Magali Bonat dans “Le Quai de Ouistreham” de Florence Aubenas – Mise en scène Louis Vignaud © Rémi Blasquez
Magali Bonat dans “Le Quai de Ouistreham” de Florence Aubenas – Mise en scène Louis Vignaud © Rémi Blasquez

Théâtre : Bouleversante scène de ménage aux Clochards-Célestes

Au théâtre des Clochards-Célestes, qu’elle dirige depuis plus d’un an, Louise Vignaud reprend Le Quai de Ouistreham, une saisissante adaptation théâtrale du livre de Florence Aubenas.

Les femmes de ménage sont rarement des héroïnes de roman ou de film (si l’on excepte Le Journal d’une femme de chambre d’Octave Mirbeau, dont Luis Buñuel tira un film inoubliable). C’est sans doute pour pallier cette absence que Florence Aubenas (journaliste à Libération, ex-otage détenue en Irak) leur a consacré un livre, en 2010. Elle fit même mieux que ça. Pour l’écrire, elle a cessé d’exercer son métier de journaliste, ou plutôt elle l’a exercé en cachette. De façon anonyme, elle a partagé pendant de longs mois le quotidien de femmes de ménage d’entreprise, plus ou moins jeunes, du côté de Caen. Elle nettoyait les ferrys qui font escale, pour des agences d’intérim. Ou les bureaux ; mais surtout les toilettes immondes des entrepôts, des usines, en bord de Manche. C’est cette expérience d’immersion totale qu’elle raconte dans Le Quai de Ouistreham.

Elle dit les petits matins blêmes, le travail humiliant, éreintant et mal payé, les reins qui se bloquent, le dos qui tire. La cigarette qu’on ne peut jamais finir tant la tâche est ardue, pénible, interminable, tout le temps surveillée par des petits chefs tatillons. Mais, au-delà des souffrances quotidiennes, de la vie sans horizon, elle loue la solidarité entre les femmes, les “agents de nettoyage”. Cette amitié qui leur permet de garder la tête haute, et un peu d’espoir dans la dureté des jours et des nuits au sommeil rare.

Dans une mise en scène à la sobriété quasi monacale, signée Louise Vignaud, la comédienne Magali Bonat se glisse dans la peau de Florence Aubenas. Investie dans un rôle qui lui va comme un gant, elle nous fait partager cette expérience profondément humaine, décrite avec une précision et un humour bouleversants.

Le spectacle a eu un tel succès la saison dernière, lors de sa création, que les dernières représentations eurent lieu à guichet fermé. Il était logique de le retrouver en ouverture de saison. Une occasion supplémentaire de voir cette performance d’actrice exceptionnelle, et d’entendre ce texte saisissant.

Florence Aubenas/Le Quai de Ouistreham – Mise en scène Louise Vignaud

Du mercredi 12 (complet) au dimanche 16 septembre – date supplémentaire : lundi 17 septembre

Au théâtre des Clochards-Célestes


[Article publié dans Lyon Capitale n°780 – Septembre 2018]

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