En choisissant de mettre en scène Les affaires sont les affaires d’Octave Mirbeau, la directrice du théâtre des Célestins s’attaque à une œuvre qu’elle considère, à juste titre, comme un mythe. Première ce mardi à Lyon.
Mirbeau, une plume exceptionnelle
S’il n’a pas obtenu la reconnaissance que l’on a offerte à Guy de Maupassant ou Émile Zola (ses contemporains), Octave Mirbeau n’en demeure pas moins l’un des écrivains français majeurs de la fin du XIXe. Violent contempteur de la société qui l’entourait, certaines de ses œuvres ont cependant traversé les siècles.
Adapté par Buñuel au cinéma, Le Journal d’une femme de chambre dénonçait les conditions de vie des domestiques, pas très loin d’une forme d’esclavage, en levant le voile sur certaines pratiques. Tout comme L’Abbé Jules était une violente charge contre la religion catholique. Mirbeau avait la fibre anarchiste. Mais aussi une plume exceptionnelle, et la capacité rare d’allier poésie et colère.
Stavisky, parcours critique
On retrouve ces caractéristiques dans Les affaires sont les affaires, une pièce qui est devenue un véritable mythe pour Claudia Stavisky. Manière de pierre fondatrice de la dénonciation du capitalisme financier.
C’est aussi une façon pour la patronne des Célestins de prolonger la réflexion critique de notre société entamée avec Mort d’un commis voyageur d’Arthur Miller et poursuivie récemment avec En roue libre de la dramaturge anglaise contemporaine Penelope Skinner. Ces œuvres ayant pour point commun de mêler tragédie et comédie. Deux éléments que l’on retrouve dans le déroulement et le ton de la pièce de Mirbeau
Lechat, un personnage proche de Tapie ou Berlusconi
Immense succès en 1903 lors des premières représentations à la Comédie-Française, Les affaires sont les affaires tire le portrait d’un entrepreneur vorace et sans scrupules, Isidore Lechat, parvenu à la tête d’un empire industriel, commercial et médiatique.
En filigrane, la mise en scène devrait d’ailleurs montrer comment l’appât du gain, le goût effréné du pouvoir, les basses ruses sont aussi l’apanage des entrepreneurs d’aujourd’hui. Le “brasseur d’affaires” que dessinait le polémiste n’est pas très loin de certains ambitieux qui ont pratiqué le mélange des genres, notamment business et politique, tel Bernard Tapie ou Silvio Berlusconi.
Le personnage cynique d’Isidore Lechat sera interprété par François Marthouret (l’épatant héros de Mort d’un commis voyageur), entouré par une pléiade de comédiens de différentes générations – Marie Bunel, Alexandre Zambeaux, Fabien Albanese – dont Claudia Stavisky a déjà su tirer le meilleur. On a hâte que les affaires reprennent...