Avec En roue libre, une mise en scène du texte de la jeune dramaturge anglaise Penelope Skinner, Claudia Stavisky propose aux Ateliers un spectacle gonflé (turgescent, même) et jubilatoire.
Mettez ensemble une jeune femme enceinte de son premier enfant, une bicyclette, la verdoyante campagne anglaise, une chaleur accablante et des pulsions sexuelles irrésistibles. Secouez dans tous les sens et vous obtenez En roue libre, une pièce de l’iconoclaste dramaturge anglaise Penelope Skinner.
Lady Chatterley au XXIe siècle
L’histoire est celle de Becky, tout récemment enceinte (sa silhouette n’en pâtit aucunement), qui vient de s’installer avec son mari dans la campagne anglaise. La chaleur, les hormones, les films porno qu’elle a découverts dans un carton de déménagement vont faire monter en elle des envies libidineuses de plus en plus difficiles à maîtriser.
Las, son peu galant époux la repousse, ne voyant plus en elle que la future maman d’un bébé qui le rend déjà gâteux. Elle tente alors de réfréner les terribles pulsions, mais en vain. Surtout qu’elle a rencontré l’homme qui a en main l’outil de son autonomie, une magnifique bicyclette. Un “honnête” vendeur qui se révèle animé des mêmes désirs de stupre. Leur liaison est torride. Comme s’ils s’efforçaient de rejouer L’Amant de lady Chatterley ou Le Dernier Tango à Paris au XXIe siècle…
Voilà pour le canevas de cette pièce surprenante. Pour ce qui concerne les détails, l’analyse psychologique des différents protagonistes qui s’y intègrent, il faut absolument aller voir la mise en scène que signe Claudia Stavisky.
Théâtre classé X
Loin d’édulcorer l’œuvre, la patronne des Célestins – qui, sans doute pour ne pas choquer son public traditionnel, a préféré créer son spectacle dans le petit théâtre voisin des Ateliers – montre sa dimension sexuelle de façon crue et même parfois violente. Des images vidéo, une musique ad hoc et un plateau tournant viennent renforcer l’impression de maelström pornographique inhérente au texte. Mais ce n’est pas la seule dimension éclairée.
On voit parfaitement comment le sexe ainsi vécu se révèle à la fois un outil d’émancipation (notamment par rapport au mari, sorte d’archétype boboïsant terriblement niais) et un vecteur d’aliénation (à l’amant, qui dénie à leur relation toute implication sentimentale). Becky passe de la séduction à l’humiliation, de la joie à la déception ; au point de remettre en cause toutes les valeurs de sa jeunesse. L’humour est également présent, s’attardant sur certains travers de notre société, quand les injonctions écologiques deviennent une pensée unique, déconnectée du réel.
Les comédiens se montrent à la hauteur de ces enjeux dramatiques et comiques. Notamment Julie-Anne Roth en épouse dépassée par sa libido, Éric Berger (le Tanguy d’Étienne Chatilliez) qui campe le mari bobo avec beaucoup de finesse et David Ayala, qui allie intelligence et brutalité érotique. En roue libre donc, mais aussi gonflée à bloc.