© Gilles Le Mao

Théâtre de la Croix-Rousse : Hamlet, de bruits et de fureur

Le théâtre de la Croix-Rousse accueille le collectif Kobal’t qui livre une performance magistrale d’Hamlet, pièce phare de Shakespeare.

S’il y a bien un texte dont le statut sacré peut constituer un obstacle à des transformations trop audacieuses, c’est bien celui d'Hamlet, pièce majeure de Shakespeare. Le collectif Kobal’t ne s’est pas gêné pour le remanier avec une forme d’insolence sur la scène du théâtre de la Croix-Rousse.

Crime de lèse-majesté

Et c’est tout le paradoxe de ce crime de lèse-majesté. En imposant une version hybride, composé d'un texte originel redécoupé et associé à des saillies contemporaines, la troupe réussit pourtant à retrouver l’essence même de cette tragédie familiale.

L’histoire d’Hamlet, prince du Danemark pétri de doutes existentiels, qui cherche à venger son père empoisonné par son propre frère. Cet oncle, devenu roi, épouse la mère d’Hamlet remplaçant symboliquement son père défunt. C’est l’apparition de ce dernier sous forme de fantôme qui va révéler au prince l’instigateur du crime.

© Gilles Le Mao

Effet de sidération

Sur le plateau du théâtre de la Croix-Rousse, c’est l’esprit du Globe – le théâtre circulaire en bois où se produisait la troupe de Shakespeare à Londres – qui est convié. Comme au temps du théâtre élisabéthain, le public est autour et sur la scène. Loin d’être anecdotique, ce dispositif permet de redonner une place de choix aux comédiens qui se glissent parmi les spectateurs, pour mieux les bousculer.

Dès que la pièce démarre on comprend vite que ce qui intéresse la troupe emmenée par Thibault Perennoud – énorme dans le rôle d’Hamlet – est de provoquer un état permanent d’inconfort et d’étonnement. Voire de sidération.

Du bruit, de la fureur, des incursions dans l’univers du stand-up ou du cabaret queer… le spectacle s’expose au risque du grotesque, mais la crainte d’un flop est vite balayée, tant le propos est juste et l’interprétation habile.

© Gilles Le Mao

D’audacieuses punchlines

Si l’œuvre de Shakespeare porte en elle les germes du théâtre moderne, c’est parce qu’elle admet le jeu dans le jeu. Une folie feinte, de la distanciation, une mise en abyme (rappelons que Shakespeare fait jouer dans Hamlet une pièce de théâtre pour démasquer le régicide)… autant de ressorts qui autorisent le collectif Kobal’t à pratiquer l’autodérision avec d’audacieuses punchlines, qui s’intègrent avec fluidité dans le texte. Cette même fluidité qui permet à cinq comédiens de revêtir brillamment les nombreux rôles de la pièce, sans aucune fausse note.

Comme Hamlet se nourrit des désordres intérieurs pour mieux explorer l’âme humaine, cette adaptation est folle et magistrale et tient le spectateur en haleine de bout en bout. En réussissant son pari : rappeler l’universalité et la modernité de ce chef-d’œuvre du dramaturge anglais, tout en revendiquant la nécessité de trouver de nouvelles formes au théâtre.


Hamlet. Jusqu'au 29 janvier au théâtre de la Croix-Rousse


 

 

 

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