Le théâtre des Célestins reprend Cannibale, le spectacle concocté par le duo féminin Agnès D’Halluin et Maud Lefebvre, un festin amoureux à voir ou à revoir absolument.
À l’origine Cannibale est un spectacle du Collectif X créé il y a dix ans, en 2015 et qui continue sa route au sein de la compagnie de Maud Lefebvre. Il s’agit d’un huis clos cruel, écrit par Agnès D’Halluin à partir d’une histoire originale soumise par Maud Lefebvre (qui signe aussi la mise en scène du spectacle). On y trouve : “Deux amants, la forêt, une maison, une voiture, une souris, des bottes, des livres, Claudette des Everly Brothers, la pourriture, les festins, les efforts, une lettre, une douche, un lit, des éclats…” Et surtout la mort qui s’invite, puisque l’un des deux amants est atteint d’un cancer incurable…
Quand les spectateurs entrent dans la salle, ils se retrouvent immergés à l’intérieur de ce qui pourrait être une cabane au fond des bois. Nous voyons les deux amants cuisiner, manger, dormir, se laver sur scène (une douche y a été installée !). Et rire, et danser, aussi. Tout est fait pour que nous partagions au plus près leur quotidien et leur intimité dans une grande promiscuité physique. La nudité des corps est d’ailleurs souvent là, sans que jamais elle ne nous choque ou nous paraisse une provocation facile (comme on le voit hélas trop fréquemment dans le théâtre actuel). De surcroît, grâce à un rideau transparent qui permet des projections vidéo, nous découvrons certains moments déterminants de leur histoire commune, comment est né ce désir fou qui les unit, ce désir qui leur donne envie de se dévorer, au sens presque littéral du terme.
Pulsion vitale
Cette pulsion vitale qui les pousse aussi à retrouver un contact étroit avec la nature, la nuit, la forêt. Cette pulsion s’opposant à la mort qui rôde, implacable. Ils savent que le temps leur est compté. Dans une tentative désespérée, ils s’efforcent de magnifier les derniers instants qui leur restent. D’en faire une fête, une cérémonie joyeuse, inoubliable.
Interprétés avec une saisissante sincérité par Arthur Fourcade (le malade qui, paradoxalement, paraît plus solide) et Martin Sève (plus fragile, désespéré, comme s’il anticipait la solitude qui s’abattra sur lui après la disparition de son amant), les personnages nous plongent dans ces ultimes instants marqués par le sceau du destin. Leurs engueulades, leurs conversations profondes ou dérisoires, leurs danses tristes et gaies, les petits plats qu’ils se mitonnent, l’amour qu’ils ne cessent de se témoigner (au point que l’un envisage de manger la chair de l’autre quand il aura disparu pour le garder en lui !) sont tout simplement bouleversants. Après avoir été créé au théâtre de l’Élysée et joué à plusieurs reprises un peu partout dans notre région et dans toute la France, Cannibale est à l’affiche du théâtre des Célestins, une chance à saisir pour ceux qui ne l’auraient pas encore vu. Et un plaisir renouvelé pour ceux qui ne manqueront pas de le revoir.
Cannibale – Du 11 au 22 mars aux Célestins