C’est l’événement théâtral de cette deuxième partie de saison. Caroline Guiela Nguyen revient à Lyon, au théâtre des Célestins (épaulé en l’occurrence par le théâtre de la Croix-Rousse), présenter sa dernière création, Lacrima. Un conte moderne qui a reçu un accueil remarquable au dernier Festival d’Avignon.
Saïgon, magnifique spectacle écrit et mis en scène, en 2017, par Caroline Guiela Nguyen, programmé à deux reprises, en 2018 et en 2023, au théâtre de la Croix-Rousse, remontait dans le passé et nous emmenait en Indochine en 1956. Tout en nous racontant l’histoire d’un restaurant vietnamien, de ceux qui y travaillaient et le fréquentaient, en 1996, à Paris. Tandis que Fraternité, une autre création de Caroline Guiela Nguyen, programmée par les Célestins en janvier 2022, nous projetait dans un futur pas si lointain, dans une manière de conte fantastique.
Mais pour Lacrima, spectacle qui a fait le bonheur du dernier Festival d’Avignon, c’est bien dans le monde d’aujourd’hui que l’artiste entend demeurer. En une sorte de fable actuelle très réaliste.
“Le titre complet que je donnais au spectacle quand je travaillais à sa conception était "Lacrima, une histoire contemporaine des larmes", expliquait-elle lors d’une présentation à Avignon. C’est un titre générique qui convenait bien à l’histoire que je voulais raconter. Un récit choral qui met en jeu des personnages qui ont été confrontés à des questions de violences et de secrets. Et que l’on retrouve dans trois parties du monde contemporain. Puisque tout tourne autour d’une robe de mariée commandée à une maison de haute couture par la famille royale d’Angleterre. Un peu comme ce fut le cas pour Kate Middleton ou Lady Di… La fabrication de cette robe, qui doit rester ultra secrète, nous conduit donc à Paris, dans une maison de haute couture. Mais aussi à Alençon où l’on trouve les plus grands spécialistes de la dentelle. Et enfin à Mumbai, en Inde, où travaillent les meilleurs ouvriers brodeurs, qui sont tous musulmans.”
C’est une troupe nombreuse et polyglotte (la pièce inclut des scènes en tamoul, en anglais, en langue des signes) mêlant comédiens professionnels et amateurs (comme souvent avec Caroline Guiela Nguyen) qui s’empare de cette fable fleuve, de plus de trois heures. Où la volonté initiale de la metteuse en scène est admirablement respectée. Puisqu’elle met en lumière les métiers de l’ombre, aux savoir-faire ancestraux, et redonne une visibilité aux petites mains sans lesquelles ces robes prestigieuses, filmées par toutes les caméras du monde, n’existeraient pas. Elle pénètre l’intimité de ces corps cassés par le travail et par des histoires familiales, personnelles, héritées et sous scellés. En restant au plus proche de ces artisans, sans jamais perdre la puissance de ce qu’ils ont dans leurs mains, une robe destinée à marquer l’histoire.
Lacrima – Du 13 au 21 février aux Célestins (spectacle également proposé dans la programmation du théâtre de la Croix-Rousse)