© Bertrand Stofleth

Théâtre : "La Peur"se propage… tant mieux !

La Peur, la pièce à la fois formidable et austère écrite par le jeune dramaturge François Hien, est reprise à La Mouche de Saint-Genis-Laval et au théâtre Jean-Marais de Saint-Fons.

“Pourquoi l’Église a-t-elle été si peu protectrice des enfants qu’on lui confiait ? Pourquoi confond-elle homosexualité et pédophilie ? Comment peut-elle être à la fois si miséricordieuse avec des pédocriminels et si dure avec des personnes gays ?” Telles sont les grandes questions posées par François Hien dans sa pièce, La Peur. En collaboration avec Arthur Fourcade, il a mis en scène son œuvre au théâtre des Célestins. Cet excellent spectacle est repris à La Mouche de Saint-Genis-Laval et au théâtre Jean-Marais de Saint-Fons.

À l’austérité du texte répond l’austérité de la scénographie – inspirée du film d’Alain Cavalier, Thérèse. Une grande table de bois au centre et des chaises soigneusement alignées de chaque côté du plateau, c’est tout pour le décor...

Si vous aimez le théâtre d’action, les effets spectaculaires, oubliez ! C’est un théâtre de la parole, éminemment cérébral, auquel on assiste pendant plus de deux heures.

De manière quasi statique, les cinq personnages de la pièce ne font rien d’autre que dialoguer. Mais on ne s’ennuie pas une seconde tant leurs échanges sont intenses. On y retrouve bien sûr des échos de l’affaire Preynat/Barbarin, dont le dramaturge s’est inspiré. Mais aussi de Sodoma, une enquête menée par Frédéric Martel sur l’homosexualité dans l’église catholique.

Enfin, il s’est également servi des conversations qu’il a eues avec le prêtre et théologien James Alison, ainsi que de ses nombreux ouvrages. Avec tous ces éléments, savamment recombinés, il a reconstitué l’itinéraire d’un jeune curé homosexuel (incarné par Arthur Fourcade avec une stupéfiante justesse) à qui l’on a retiré sa charge pastorale, après qu’il a dénoncé les agissements d’un abbé pédophile.

On suit, sans en perdre un mot, les conversations du curé avec sa sœur, avec le jeune Marocain qu’il a aimé, avec un paroissien abusé dans son enfance qui demande justice et, enfin, avec un évêque soucieux de passer sous silence les plus odieux agissements. On perçoit ses vacillements les plus intimes, ses doutes… mais aussi sa foi inébranlable.

La qualité de la réflexion menée par François Hien l’amène à tutoyer de grands auteurs, tels Bernanos, Dostoïevski ou Claudel, qui ont écrit sur ces thèmes mêlant le singulier et le collectif, le doute et la foi, l’humain et le divin.


La Peur – Le 6 janvier à La Mouche à Saint-Genis-Laval et le 25 mars au théâtre Jean-Marais à Saint-Fons


 

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