Montage Hommes en devenir Emmanuel Meirieu
© Pascal Gely (photos de répétition / montage LC)

Théâtre : Les “hommes fracassés” de Meirieu à la Croix-Rousse

Metteur en scène iconoclaste, Emmanuel Meirieu revient hanter le théâtre de la Croix-Rousse, où il défraya la chronique théâtrale à la fin des années 1990 avec de furieuses versions de tragédies grecques (A gun for Electre ou Médée wanted dead or alive). Il est depuis passé à un théâtre basé sur des romans d’auteurs contemporains, livré dans des mises en scène dépouillées et basé sur l’interprétation à fleur de peau des acteurs. Il signe aujourd’hui l’adaptation théâtrale d’une nouvelle de l’écrivain américain Bruce Machart, digne descendant de William Faulkner : Des hommes en devenir. Entretien.

Bruce Machart : “Un jeune prodige, un futur Faulkner”

Lyon Capitale : Vous revenez au théâtre de la Croix-Rousse, un lieu que vous connaissez bien puisque, à la fin des années 1990, vous y avez défrayé la chronique avec des mises en scène iconoclastes, façon western, de tragédies grecques. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur cette période ?

Emmanuel Meirieu : C’était pour moi, tout simplement, une période d’apprentissage. J’ai appris le métier. J’avais l’insolence, parfois l’inconséquence, d’un jeune homme de 23 ans. Ça n’a pas été sans douleur pour moi. J’espère avoir mûri. Désormais, ma révolte, mon énergie, je les place dans mon travail sur le plateau. Je ne vis pas une période fade par rapport à une période qui a pu effectivement être tumultueuse. C’est toujours aussi excitant, même davantage, aujourd’hui.

Un mot sur le spectacle que vous allez présenter, Des hommes en devenir ?

C’est l’adaptation d’un roman noir américain, mon domaine de prédilection. Bruce Machart, l’auteur, est un jeune prodige, un futur Russel Banks, un futur Faulkner. Ce sont six récits croisés, six portraits d’hommes sur une journée, dans une ville, Houston. C’est un roman choral. J’aime ces œuvres où il n’y a pas de protagoniste unique, à l’instar du film Magnolia. Le spectateur d’aujourd’hui est habitué à ces formes, que l’on trouve notamment dans les séries, où se mêlent différentes intrigues.

C’est difficile à monter…

Non, c’est autre chose, ce sont d’autres types d’écriture que l’on arrive à maîtriser aujourd’hui. On ne perd pas l’attention du spectateur, l’intrigue se renouvelle en permanence. Cette forme est la mienne depuis De beaux lendemains [adaptation théâtrale du livre éponyme de Russel Banks, créée en 2010 aux Nuits de Fourvière, NdlR]. C’est avant tout le portrait d’hommes fracassés. Une leçon de courage.

Paris : “l’énergie”, une “caisse de résonance extraordinaire”

Il y a aussi la mise en scène de Mon traître qui tourne dans la région et une création prévue à la Comédie-Odéon, comment allez-vous vous organiser ?

J’ai 26 levers de rideau à Lyon ! De surcroît, je produis mes propres spectacles et j’estime que derrière chaque geste de production il y a un geste artistique. Je ne suis pas seul, j’ai des équipes avec moi. Rien n’est bradé. On reste très vigilants là-dessus.

Vous avez pourtant décidé de déménager à Paris…

Oui, mais comme on sera souvent en tournée, c’est plus un camp de base qu’autre chose. J’ai mes amis à Lyon, ma mère, ma fille qui est au lycée Saint-Just. C’est aussi là que se trouve ma mémoire. Mais il ne faut pas oublier que, durant cinq ans, on a peu joué à Lyon. Et pour continuer de donner de la visibilité à notre travail, Paris était devenu incontournable. Je n’y vivrai pas toute ma vie, mais j’ai quarante ans et dans les dix prochaines années j’ai besoin de l’énergie de la capitale. D’une façon concrète, ça nourrit beaucoup de gens, je crois qu’il y a mille levers de rideau par soir. C’est une caisse de résonance extraordinaire. Mais je n’oublie pas que c’est grâce aux Nuits de Fourvière, le festival lyonnais, que j’ai pu franchir cette étape-là.

Emmanuel Meirieu / Des hommes en devenir (conseillé à partir de 14 ans)
Du mardi 10 au vendredi 13 octobre à 20h + samedi 14 à 19h30, au théâtre de la Croix-Rousse.
–> Bord de scène : rencontre avec l’équipe à l’issue du spectacle le 11 octobre

 

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