Après une programmation chaotique, maints reports et annulations, Jean Bellorini reprend son premier spectacle en tant que directeur du TNP, Le Jeu des ombres. Une somptueuse mise en scène du texte de Valère Novarina qui célèbre, à sa manière, le mythe d’Orphée.
C’est un spectacle auréolé de récompenses que reprend Jean Bellorini sur la grande scène du TNP. Le Jeu des ombres a en effet reçu deux prix prestigieux, attribués par le Syndicat professionnel de la critique de théâtre, de musique et de danse, lors de son 58e Palmarès pour la saison 2020-2021. Le prix Georges-Lerminier (meilleur spectacle théâtral créé en province) et le prix technique pour la scénographie de Jean Bellorini et Véronique Chazal.
Un spectacle qui a de surcroît une histoire exceptionnelle. C’est la mise en scène d’un texte de Valère Novarina, commandé par Jean Bellorini. Le spectacle devait être initialement créé dans la cour d’honneur du festival d’Avignon, l’été 2020, puis programmé au TNP, dont Jean Bellorini venait de prendre la direction.
La Covid en a décidé autrement : en avril, le festival d’Avignon 2020 est annulé. Ce qui n’a nullement découragé Jean Bellorini. Il a continué de travailler sur le texte de Novarina avec toute l’équipe de comédiens de sa Troupe éphémère, le directeur musical Sébastien Trouvé, le chorégraphe Thierry Thieû Niang ainsi que Macha Makeïeff, chargée des – somptueux – costumes.
Les premières répétitions furent compliquées : masques obligatoires (fabriqués par l’atelier costumes) pour circuler. Tandis que les accessoires et costumes sont passés tous les soirs à la vapeur. Le travail, obstiné, est récompensé : la pièce fait partie de la Semaine d’art en Avignon, événement organisé afin de permettre à quelques – rares – spectacles annulés d’être joués durant la dernière semaine d’octobre. La pièce est enfin créée ! Juste avant que la Semaine d’art ne soit à son tour annulée…
Fresque grandiose
On ne peut que s’en réjouir : Le Jeu des ombres bénéficie d’une importante série de représentations (du 13 au 30 janvier) au TNP.
Le spectacle échappe à tous les formatages auxquels l’époque contraint. C’est une fresque théâtrale grandiose, portée par un souffle puissant. Elle nous immerge, pendant presque deux heures et demie, au cœur d’un imaginaire poétique singulier, chargé de visions inoubliables, comme celle, pour n’en citer qu’une, où le plateau est soudain séparé par une impressionnante ligne de feu.
La troupe est nombreuse et unie. Mais elle laisse s’exprimer des individualités fortes (Anke Engelsmann, Hélène Patarot, François Deblock, Marc Plas…). La musique reprend les grands thèmes de L’Orfeo de Monteverdi, aborde des territoires plus jazzy et laisse place aux chants.
La langue de Valère Novarina se joue des contrastes, entre crudité rabelaisienne et finesse proustienne. Elle est parfaitement incarnée par les comédiens sur un plateau quasi nu, ou soudain envahi de vieux, mais superbes, instruments de musique. Comme pour mieux célébrer l’éternelle valse entre la vie et la mort, ainsi que l’amour d’Orphée pour Eurydice, qui sert de point de départ de la partition du poète.
Le Jeu des ombres – Du 13 au 30 janvier au TNP