L’ex-patron du théâtre du Point-du-Jour présente ce mois-ci à la Croix-Rousse Blanche-Neige, histoire d’un prince, un spectacle créé au dernier festival d’Avignon et unanimement salué. (Mis à jour à 14h41)
Le metteur en scène Michel Raskine aura soixante-neuf ans en 2020, mais la retraite ne semble pas s’inscrire dans son programme. Tant mieux ! Ses plus récents spectacles, conçus après qu’il a quitté la direction du théâtre du Point-du-Jour, en 2012, après dix-sept ans de bons et théâtraux services – ainsi que des créations mémorables –, témoignent d’une qualité de travail et d’une intelligence créatrice intactes. Citons, entre autres, l’épatante version du Triomphe de l’amour de Marivaux créée au TNP en 2013, Au cœur des ténèbres d’après Joseph Conrad présenté en 2015 dans la petite salle de l’Élysée ou encore la lecture provocante du Quartett d’Heiner Müller accueillie par les Célestins en 2016. Autant de spectacles marqués par sa patte inimitable. Celle qui fait de Michel Raskine l’un des plus passionnants metteurs en scène de sa génération. Surtout si l’on y ajoute les créations de l’époque Point-du-Jour (Max Gericke ou Pareille au même de Manfred Karge, L’Amante anglaise de Duras, Les 81 Minutes de mademoiselle A. de Lothar Trolle, La Danse de mort de Strindberg, Les Relations de Claire de Dea Loher…) Et le molière du théâtre public obtenu en 2008 pour sa mise en scène de Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce, à la Comédie-Française.
La patte Raskine
Mais comment définir cette patte inimitable, ce style théâtral singulier ? Chose d’autant plus ardue qu’elle procède d’un mélange, toujours équilibré, de plusieurs ingrédients : des distributions sélectionnées et dirigées au cordeau, des scénographies aux multiples trouvailles et surprises, un esprit toujours curieux, apte à s’approprier les dernières tendances de l’art dramatique (ou chorégraphique) contemporain… Mais surtout, et s’il y a un secret il est là, Michel Raskine trouve toujours le bon texte à monter, celui qui lui correspond tout en relayant les questions essentielles de notre époque. Ces éléments, vous les retrouverez dans Blanche-Neige, histoire d’un prince.
Et après le baiser, il se passe quoi ?
La pièce est issue d’une commande à une jeune autrice, Marie Dilasser, dont Michel Raskine a su repérer l’immense talent. En 2007, il a monté sa pièce au titre imprononçable (Me zo gwin ha te zo dour ou Quoi être maintenant ?) à la Comédie de Valence. Blanche-Neige, histoire d’un prince n’est pas une variation sur le conte des frères Grimm, dont ni le metteur en scène ni l’autrice ne dénient le génie, mais une fiction à part entière. Marie Dilasser s’est amusée à imaginer la suite de l’histoire de Blanche-Neige après le doux baiser du Prince charmant qui la ramène à la vie. Michel Raskine le dit plus crûment : “On met trois baffes à Blanche-Neige.” L’œuvre se penche davantage sur le personnage du prince (incarné par l’excellente Magali Bonat, qui a remplacé au pied levé Marief Guittier), sur la vie du couple princier au quotidien et même sur les questions environnementales si prégnantes aujourd’hui. Du Raskine pur jus…