Joué à Avignon et partout en France, Depuis l’aube (ode aux clitoris), le premier spectacle de Pauline Ribat, est à l’affiche du théâtre de la Renaissance. On s’en réjouit.
Pour la jeune metteuse en scène Pauline Ribat, tout est parti d’un choc, un “électrochoc”, dit-elle. Celui qu’elle a reçu en découvrant le documentaire de la jeune Belge Sofie Peeters. On y voit comment la plupart des femmes doivent chaque jour affronter des regards insistants, des gestes déplacés, quand ce n’est pas encore pire. Et surtout comment chacune est finalement réduite au silence, intériorisant tous ces comportements sans réagir. C’est ce silence assourdissant qu’elle a décidé de rompre avec son spectacle Depuis l’aube (ode aux clitoris).
La réapparition du clitoris
“Le titre vient d’une chanson que j’ai intégrée dans la pièce, explique-t-elle. Et pour moi, évoquer ainsi le clitoris est très politique. Quand on remonte à l’Antiquité, c’était un organe essentiel. On croyait alors qu’il avait un lien avec la grossesse. Quand on s’est aperçu ensuite qu’il n’avait aucun rapport avec la procréation, il a disparu. Il faut même attendre 2007 pour le voir réapparaître dans les manuels d’anatomie scolaires en France. Il n’était jusque-là jamais dessiné, comme s’il avait disparu. Or, pour une femme, si elle veut se connaître, il est important d’apparaître dans son intégrité. L’un des buts du spectacle est de redonner sa place à cet organe. Il faut aussi noter le pluriel “ode aux clitoris”. C’est une manière de rendre hommage aux quatre millions de femmes qui sont excisées chaque année.”
Créée en 2016, cette Ode a été jouée plus d’une cinquantaine de fois, au festival d’Avignon et partout en France. D’ailleurs, au moment où nous l’interrogeons, Pauline Ribat revient d’une tournée en Alsace. “Là-bas, il y a encore une grande timidité par rapport à la sexualité. Mais ça s’est bien passé. Peut-être parce que j’ai tenu à ce qu’il y ait deux hommes sur scène avec moi. Cette parole doit être portée aussi par des hommes, c’est une parole commune. Le texte contient beaucoup d’humour, les gens rient énormément. Mais ils sont touchés aussi, ils se posent des questions, ce qui me fait plaisir – c’est exactement ce que je fais, je me pose des questions. Le jour où j’arrêterai de me poser des questions, je n’écrirai plus. En attendant, j’espère avoir écrit un texte d’utilité publique. Je l’espère vraiment. En tout cas, c’est un texte que j’aurais aimé entendre quand j’étais lycéenne.”