Dans une période peu connue de l'Histoire française, une femme luttera jusqu'à sa mort pour la liberté. Loin, très loin des côtes de la métropole, c'est en Guadeloupe que "Solitude" connaîtra l'abolition, puis le rétablissement de l'esclavage. Au théâtre des Asphodèles le jeudi 27 et le vendredi 28 avril, Fani Carenco retrace le parcours de cette femme, enchaînée par l'Histoire, forcée à se battre à tout prix.
La mulâtresse Solitude, c'est le nom que le temps a laissé à Rosalie née Bayangumay, figure de la résistance des esclaves de la Guadeloupe. Mulâtresse, un langage colonial douloureux, qui rappelle dans ce cas le viol d'une femme africaine par un marin dans le bateau la menant directement aux Antilles françaises. Une naissance qui sera celle de Rosalie, qui se surnommera elle-même "Solitude", un nom qui en dit long sur cette figure féminine du déracinement et de la révolte face à l'oppression.
Vivre libre ou mourir
D'après le roman éponyme d’André Schwarz-Bart, Fani Carenco décide d'adapter au théâtre le destin de cette femme pour mettre en lumière cette période peu connue du rétablissement de l'esclavage par Napoléon Bonaparte. Diplômée en Histoires des femmes, Fani Carenco déplore que cette dernière "reste, encore aujourd'hui, une part négligeable de la connaissance collective. Pourtant, de ces petites histoires naît la grande. Les féministes affirmaient : "le privé est politique". Nous en avons là une douloureuse preuve." En 1794, l'esclavage est aboli et malgré son métissage, Solitude s'intègre dans une communauté d'anciens esclaves noirs désormais libres. Lorsque huit ans plus tard, Napoléon Bonaparte envoie ses troupes pour rétablir l'esclavage sur l'île, Solitude se battra. Elle se ralliera au "dernier cri de l'innocence et du désespoir" lancé par l'abolionniste Louis Delgrès. Enceinte, Solitude sera pendue le lendemain de son accouchement pour avoir osé s'opposer à un ordre établi injuste et autoritaire.
La luminosité des êtres en résistance
Trois comédiens incarnent la pièce dévoilée à Lyon le 27 et 28 avril prochain : Marie-Noëlle Eusèbe dans le rôle de Solitude, Laure Guire dans celui de sa mère, et Laurent Manzoni, dans celui de l'homme. Des performances qui souhaitent faire la lumière sur la résistance et la révolte, mais aussi mettre en question la mémoire et la facilité de l'oubli. Représentée en janvier à Annecy, la pièce sera captée en vidéo pour une diffusion sur France Ô, "La chaîne métisse" de France Télévisions. "C'est une petite pression supplémentaire pour cette représentation", confie Fani Carenco, à quelques jours de la première à Lyon.