Fasciné par la figure sanglante de Thyeste, Thomas Jolly a proposé au dernier festival d’Avignon une version impressionnante de la tragédie de Sénèque. Reprise cette semaine aux Célestins.
“Je ne peux plus m’en cacher désormais, j’éprouve une véritable fascination pour les personnages de monstres dans le théâtre. Ils dévoilent une part habituellement cachée de la nature humaine, à laquelle on doit se confronter”, confiait Thomas Jolly alors qu’il travaillait à sa mise en scène de la tragédie de Sénèque dans la cour d’honneur du palais des Papes, l’été dernier, à Avignon. Une version dans laquelle il interprète le rôle-titre et dont la force visuelle et sonore a été dûment saluée. En installant notamment une main d’impressionnantes dimensions sur la scène (la main du destin ?), en jouant avec une partition musicale violente, entre rock et opéra, en habillant ses comédiens de costumes étranges et multicolores, en multipliant les jeux de lumière, le jeune homme a confirmé sa réputation de metteur en scène iconoclaste. Une étiquette qui lui a été collée après son Henry VI, un spectacle fleuve qui durait dix-huit heures ! Ce qui n’a aucunement empêché son large succès public ni son auteur de remporter le molière de la meilleure mise en scène d’un spectacle public en 2015. Même si, avec Thyeste, la durée du spectacle (2h30) est plus traditionnelle, Thomas Jolly retrouve un univers qui l’intéresse. Où l’on est face, comme chez Shakespeare, au déchaînement des passions, jusqu’aux frontières de la folie. L’histoire que raconte Sénèque est familiale, elle décrit l’affrontement de deux frères, Thyeste et Atrée, pour l’obtention d’un trône. Tricherie, adultère, vol, infanticide, cannibalisme même ! sont au menu de cette lutte mythologique qui a traversé les siècles sans perdre de son acuité. Peut-être parce que les monstres au mufle sanglant sont toujours là…