Vie de Joseph Roulin est LA reprise théâtrale à ne rater sous aucun prétexte ! Aux Célestins du 8 au 12 février.
Ce n’est pas un hasard si le jeune metteur en scène Thierry Jolivet a accédé au statut d’artiste associé au théâtre des Célestins. Depuis 2014, avec sa compagnie La Meute, après avoir porté magistralement à la scène des écrits de Dostoïevski, il n’a eu de cesse d’éclairer, de dévoiler certains aspects troubles du monde contemporain.
Dans La Famille royale, une gigantesque fresque théâtrale inspirée du roman de William T. Vollmann, il montrait les bas-fonds de la société américaine. Ce fut l’un des plus beaux et des plus ambitieux spectacles à l’affiche des Célestins en 2017.
Vie de Joseph Roulin, pièce inspirée du livre éponyme de Pierre Michon, est de la même – très haute – intensité. On y découvre, ou redécouvre, l’amitié qui unit le peintre Vincent Van Gogh et le facteur Joseph Roulin, qui fut maintes fois son modèle, dans des tableaux mémorables.
Le spectacle est littéralement porté par la musique, entre rock et new wave, jouée en direct par deux excellents musiciens. Ainsi qu’un dispositif vidéo “hypnotique” qui fait apparaître en format géant les tableaux sur un écran en fond de scène. L’impression est stupéfiante : nous sommes littéralement aspirés par les coups de pinceau du maître.
Explosion sensuelle de couleurs
Le spectacle est d’une force inouïe. On ne peut imaginer meilleur décor pour le texte de Pierre Michon que les toiles de Van Gogh, ici soigneusement choisies pour se marier avec le récit mené par l’auteur des Vies minuscules.
Ainsi projetées, elles semblent douées d’une vie autonome qui vient faire écho aux mots de l’écrivain. Et nous sommes bouleversés par l’étrange amitié qui se noue entre un artiste extraordinaire et un homme ordinaire – du moins qui aurait dû l’être sans sa rencontre avec le génie.
La musique, l’explosion sensuelle des couleurs participent pleinement à la réussite du spectacle, et constituent un support à l’imaginaire idéal pour nous emmener en Provence, au cœur d’Arles étouffant sous un soleil de plomb, transfigurée par le fameux jaune de chrome n° 3 utilisé par Vincent ; puis dans la maison du facteur, au bordel, dans les champs… ou au contact d’un autre ami de Van Gogh qui apparaît soudain, Paul Gauguin. Les femmes, l’absinthe, l’amour, l’amitié, l’art, la mort.
La langue de Pierre Michon témoigne d’une profonde compréhension du peintre, peut-être même encore plus que le texte d’Antonin Artaud, consacré également à Van Gogh, Le suicidé de la société. Sans doute parce qu’il y a, en contrepoint, l’humanité touchante du facteur Roulin, désemparé par la conduite de plus en plus suicidaire de son ami.
Dans le rôle du passeur de cet incroyable univers (texte/tableaux/musique), Thierry Jolivet impose sa présence sur le plateau. Présence envoûtante s’il en est, voix sépulcrale mais aussi chaleureuse (si, c’est possible !), économie de gestes… Les mots jetés sur le papier comme les couleurs sur la toile suffisent amplement. Amis lecteurs, c’est du 8 au 12 février aux Célestins.
Vie de Joseph Roulin – Du 8 au 12 février, aux Célestins, Lyon 2e