L'exposition est modeste mais représentative de la diversité et de la force de cet artiste emblématique du 20e siècle.
Les parents le connaissent forcément, par leurs propres lectures enfantines, ou celles de leurs enfants. Tomi Ungerer a écrit de véritables "tubes" de la littérature pour la jeunesse, devenus des classiques étudiés dans toutes les écoles maternelles. On peut citer : Les Trois brigands, Le Géant de Zéralda, Les Mellops font de l'avion, ou plus récemment Le nuage bleu (Ecole des loisirs). On reconnaît entre tous le trait de ce Nobel du livre pour enfants. Mais Tomi Ungerer ne s'est pas cantonné à ce seul domaine, pourtant déjà très riche. Artiste très prolifique, il est l'auteur de plus de 30 000 dessins et illustrations, dans des domaines très divers. Aux illustrations pour la jeunesse, s'ajoutent des œuvres satiriques ou politiques, des campagnes publicitaires (pour la Fête de la musique par exemple, mais aussi bien des produits laitiers ou de l'électro-ménager), des dessins érotiques, des dessins d'observation aussi, sur le temps qui passe, la mort qui rôde, l'injustice et l'intolérance qui menacent partout. Certaines de ses œuvres sont devenues des icônes, à l'image de l'affiche "Black Power / White Power", représentant un noir et un blanc imbriqués tête bêche s'entredévorant le pied. Cruel yin/yang ! Tomi Ungerer imagine une campagne tellement virulente contre la guerre du Vietnam qu'elle est refusée par son commanditaire, l'Université de Columbia, siège de nombreuses manifs pacifistes.
L'exposition présentée à la Bibliothèque municipale de Lyon, bien qu'assez modeste, donne une image représentative de la diversité et de la force de l'œuvre de Tomi Ungerer. Né en 1931, l'artiste a traversé le siècle et le monde, de son Alsace natale, annexée par les Allemands pendant la seconde guerre mondiale, à l'Europe qu'il sillonne en auto-stop ou par cargo, au New-York des années 60 marquées par la lutte contre la ségrégation raciale et la guerre du Vietnam. Son installation à New-York, en 1957, Tomi Ungerer la qualifie lui-même de "départ météorique aux activités très diversifiées". Il prend ensuite du champ, et s'installe au Canada, puis en Irlande du Sud, mais il ne cesse de voyager et de recevoir de nombreux prix et disctinctions dans différents pays.
A côté des dessins pour enfants, l'exposition lyonnaise souligne des aspects plus méconnus de l'œuvre de Tomi Ungerer. Elle présente ainsi plusieurs magnifiques grands formats dépeignant la lente décadence d'une civilisation : dans Slow agony, des épaves de voitures ou de machines agricoles s'échouent dans de vastes paysages nord-américains.
Elle présente aussi des petites planches de botanique érotique, extraites d'un port-folio édité par la revue Penthouse. Des fleurs s'épanouissent en organes sexuels au nom latin fantaisiste comme "voluptiphallus autofellator". D'autres dessins érotiques extraits du livre Fornicon explorent une veine plus sombre, inspirée du mouvement sado-masochiste. Enfin, l'exposition lyonnaise présente des dessins à l'encre de Chine extraits de la très belle série The Party (1966). Ces dessins au trait acéré croquent la société mondaine new-yorkaise en reprenant un antique procédé satirique qui consiste à mêler des éléments animaliers aux corps humains. Bluffant !