Dans les banlieues, les maisons de retraite, les écoles, les hôpitaux et surtout dans les rues des villes et des villages, à travers l'Europe. Rencontre avec une troupe hors-normes.
C'est dans un petit café, rue Leynaud sur les pentes de la Croix-Rousse, que l'aventure de la compagnie U.Gomina est née. C'était il y a vingt-cinq ans. A l'époque, la Croix-Rousse était ce lieu où un type de pensée alternatif se propageait dans les petites rues grises aux logements insalubres. Aujourd'hui la colline a changé, mais Ugo Ugolini et son épouse Ghislaine Debarbat, fondateurs de la troupe, sont toujours là, dans un petit local, Montée de la Grande Côte, et ils ont tenu bon.
"C'était en 1984, sous Mitterrand : Jack Lang avait créé la Fête de la musique et proposait d'étendre cette journée à tous les arts. On doit être les seuls à l'avoir pris au mot et depuis on fête le théâtre chaque jour en allant chercher un autre public", se souvient Ugo qui avoue avoir beaucoup déchanté depuis ces années-là. Il commence le théâtre en 1967. A l'époque, il fait partie de ces comédiens pionniers de la décentralisation et, progressivement, il estime voir "toujours les mêmes dans les grands théâtres". "Trop de conformisme" à son goût. Alors dans les années 80, il décide d'amener le théâtre à ceux qui n'y ont pas accès, en allant vers les associations et en investissant la rue avec des spectacles non formatés pour elle.
"On vit depuis toutes ces années sans subventions et sans toutes les techniques de communication actuelles. Je ne suis jamais allé dans les bureaux de la mairie pour réclamer quoi que ce soit", précise le fondateur au caractère bien trempé. Ugo avait écrit en 1984 dans son manifeste de création de la compagnie : "il s'agit de retrouver une véritable création individuelle, mais avec l'autre. Il faut faire halte à l'immobilisme par la revendication. Il s'agit de remettre en cause l'individualisme de reconnaissance des artistes". A U.Gomina, rien n'a changé, cette volonté est toujours là et tous les membres de la compagnie agissent dans ce sens. Matthieu Claveyrolat, jeune membre de la troupe, se réjouit du travail accompli notamment dans les banlieues. "On arrive parfois avec des chansons très anciennes que les enfants ne connaissent pas et avec l'orgue de barbarie qui souffre d'une image désuète. Mais malgré tout, ça marche, ils sont très réceptifs et nous demandent de leur apprendre les chansons", explique le comédien. La troupe travaille sur l'histoire et la tradition de la chanson mais s'horrifie du malentendu que ce choix peut parfois entraîner. "Certains pensent nous faire plaisir en affirmant qu'on chante la France, mais notre démarche est différente. La chanson permet de mieux comprendre l'Histoire, en cela elle est nécessaire aujourd'hui", précise Ghislaine. A Villiers-Le-Bel, une banlieue près de Paris, Ugo se souvient d'une discussion après le spectacle entre une bande d'adolescents ; alors qu'un jeune garçon reprochait à la compagnie de ne pas être constituée de stars, une des jeunes filles présentes lui rétorquait : "mais tu n'as rien compris, U.Gomina ce sont des stars du dehors". "Comme quoi, constate Ugo, quand on donne du beau, du vrai et du réel, on a de véritables échanges."
U. Gomina. Au festival Au cœur de tes oreilles à la ferme du Vinatier (8è), du 12 au 14 juin. Renseignements sur les ateliers de la troupe sur www.myspace.com/ugomina et sur https://ugomina.fr/