Une riche famille bourgeoise en banqueroute, un amour naissant, un frère mourant… Valeria Bruni-Tedeschi revient avec un nouveau film entre humour et claque, de loin le plus drôle de sa “trilogie”.
Revenu de Cannes bredouille et accueilli tièdement par la critique pendant le festival, Un château en Italie, troisième long-métrage de Valeria Bruni-Tedeschi, est pourtant le film le plus sympathiquement fou de la semaine. Gaucherie, névroses, violence, amour, folie, églisophilie, ténuité des sentiments entre rires et larmes, et part autobiographique fondaient déjà le style d’une actrice qui passait pour la première fois à la réalisation en 2003 avec Il est plus facile pour un chameau, prix Louis Delluc. Il se prolongeait avec moins de bonheur dans Actrices (2007), plus mou et plus convenu… Si Un château en Italie reste cohérent avec les deux précédents dans ses thématiques et ses personnages foufous, il s’avère beaucoup plus fin et drôle.
Décalages
Le film s’ouvre sur le personnage de Louise (Valeria Bruni-Tedeschi interprète le rôle principal comme à l’accoutumée) en retraite dans un monastère, fille d’une famille bourgeoise italienne en plein déclassement qui ne peut désormais souffrir les frais d’une luxueuse maison familiale, et actrice en retrait des plateaux. D’emblée, le ton est donné d’une comédie reposant sur deux volontés/rythmes toujours antagonistes entre les personnages, qui amènent une force comique redoutable : Louise veut régler sa nuitée rapidement pour ne pas rater son train pour Paris, le moine derrière la caisse a la vitesse d’un escargot. Venue chercher dans le dénuement du lieu on ne sait quelle absolution (la religion catholique est omniprésente dans la filmographie de VBT), elle repart avec un chapelet et un amoureux transi, Nathan (Louis Garrel, toujours aussi talentueux), rencontré par hasard sur la route du retour. Lui est un jeune acteur de vingt ans son cadet. Leur relation jouera sur ces mêmes volontés décalées : (Louise) “J’ai 43 ans, bientôt 44, je suis une dame, voilà, je ne vois pas ce qu’on aurait à se dire – (Nathan) D’accord, donc je repasse demain…”
Alors que naît leur amour et l’obsession pour Louise d’avoir un enfant (au point de prendre d’assaut une chaise supposément “fertilisante” dans une église italienne au cours d’une scène anthologique), aussi drôle que pathétique, le frère de Louise se meurt du sida. Tous ces éléments autobiographiques (la présence de Marisa Borini, la vraie mère de Valeria qui joue depuis le premier opus de cette trilogie le rôle de la mère ; le frère de l’actrice mort du sida ; l’ex-compagnon de VBT, Louis Garrel, fils d’un cinéaste dans le film comme dans la réalité) creusent un même sillon intime depuis Il est plus facile pour un chameau, mais Un château prend davantage en compte les possibilités du médium cinéma comme moteur clairement comique.
Décadrages
Un château est de loin le plus intéressant d’un point de vue formel de la trilogie VBT. Même s’il se déroule sur quatre saisons, chronologique donc, il ne prend clairement pas le spectateur par la main pour le transporter entre les scènes. Le découpage choisi par Valeria Bruni-Tedeschi déroute, multipliant les ellipses spatio-temporelles, et gardant souvent pendant quelques minutes le mystère à l’image ou dans les dialogues quant aux lieux fréquentés et aux relations qui lient les personnages entre eux. Cet effet de surprise et cette indétermination spatio-temporelle participent clairement de la folie du film.
La vie est dure, grave et angoissante, même pour les riches, que la réalisatrice n’a cependant jamais cessé d’égratigner. On doit affronter la mort, le vieillissement, l’absence de projet, l’infertilité… Et l’humour de Bruni-Tedeschi dans le jeu, les dialogues (avec une touche Noémie Lvosvky) et le montage face à ces situations tragiques tendent à la rendre tout simplement plus supportable.
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Un château en Italie, de Valeria Bruni-Tedeschi, 2013, 1h44, couleur. Avec Valeria Bruni-Tedeschi, Louis Garrel, Marisa Borini, Filippo Timi et Xavier Beauvois Sortie en salles ce mercredi 30 octobre.