Jacques Osinski présente au théâtre de la Croix-Rousse (jusqu'au 17 novembre) une version cruelle et tranchante de la farce de Molière George Dandin.
George Dandin est à l’origine une comédie-ballet de Molière. Peu jouée, elle n’a certes pas l’envergure de ses grandes pièces comme Le Bourgeois gentilhomme ou L’Avare. Elle est cependant d’une efficacité redoutable, et d’une noirceur inattendue pour un divertissement. La mise en scène de Jacques Osinski rend justice à ces deux aspects de cette œuvre singulière. Tout en la remettant dans un contexte moderne. Ainsi, c’est sur le palier d’un immeuble de luxe, admirablement dessiné par Christophe Ouvrard, que l’on trouve nos personnages. Un couple âgé, un plus jeune, un amant et deux domestiques complices. De quoi faire monter une mayonnaise qui se révèle parfois proche de Feydeau. Puisque le mariage forcé (thème moliéresque) y tient un aussi grand rôle que l’adultère, ici traité façon vaudeville.
Dandin est un riche paysan qui a “acheté” sa femme à ses beaux-parents, nobles mais désargentés. Las, la femme n’entend pas se soumettre aux prérogatives du parvenu et veut s’offrir, à défaut d’un mari moins nigaud, un bel amant. Coup de chance, l’homme qui loge dans l’appartement voisin pourrait faire l’affaire. Le mari se sent pousser des cornes et s’échine à confondre sa femme devant ses beaux-parents afin qu’ils consentent à leur séparation. Mais ceux-ci, s’ils ne tiennent pas à lui – et le méprisent d’ailleurs ostensiblement –, ont bien besoin de son argent. Toutes ces volontés contradictoires s’affrontent au cours d’un marché de dupes savamment orchestré. L’un avançant les preuves que sa femme se comporte comme une “carogne”, et celle-ci les retournant régulièrement à son profit avec un redoutable sens de l’à-propos. Devant les beaux-parents, qui ne cessent de sortir de l’ascenseur, les portes claquent, quand elles ne s’ouvrent pas sur des visions interdites.
Les dialogues sont enlevés, donnant l’avantage aux ruses féminines sur les manœuvres pataudes des représentants du sexe fort. Ce sexisme à rebours est un atout comique de plus à mettre au crédit de cette comédie, par ailleurs impeccablement interprétée par une distribution qui mélange les générations.
George Dandin. Jusqu’au 17 novembre, à 20h, au théâtre de la Croix-Rousse.