Avec son dernier roman, Jennifer Murzeau cultive à merveille l’art du suspense sur fond d‘effondrement écologique.
Le cœur et le chaos, dernier roman de Jennifer Murzeau, est une dystopie. Du moins si l’on en croit la définition du terme donnée par le Larousse, soit une “société imaginaire régie par un pouvoir totalitaire ou une idéologie néfaste”.
Si ce n’est que le “monde imaginaire” ressemble férocement au nôtre, s’il s’était encore dégradé, dans les dernières années, sous l’effet conjugué des pandémies, du climat détraqué et d’une pollution encore plus aberrante qu’elle ne l’est actuellement. C’est le décor, pas très loin d’être apocalyptique, dans lequel vont se rencontrer les trois personnages, admirablement dépeints et caractérisés par la jeune autrice.
Il y a donc Aurélien, trentenaire toujours révolté mais de plus en plus résigné, squatteur qui cherche un sens à sa vie. Alice, dix ans de plus, plus vraiment révoltée et engluée dans un quotidien fait d’un boulot pas passionnant mais bien payé et d’une addiction sexuelle, dont elle ne sait si elle la libère ou l’avilit. Les deux, sans doute. Et enfin, Iris, nonagénaire très lucide quand son Alzheimer le lui permet, ce qui est de plus en plus rare.
L’improbable trio va se former dans des conditions que l’on se gardera bien de vous dévoiler. L’art du suspense, s’appuyant sur une construction impeccable qui alterne les points de vue, étant l’une des nombreuses qualités de ce roman.
Le cœur et le chaos – Jennifer Murzeau, éditions Julliard, 240 p., 19 €.