Une soirée pour trois chorégraphes

RÉPERTOIRE – Forsythe, Kylián et Tankard sont dansés dans un même programme par le ballet de l’Opéra de Lyon. À voir et à revoir !

Avant la présentation d’un programme entièrement consacré à Merce Cunningham au mois de juin, le ballet de l’Opéra de Lyon nous propose des pièces phares de son répertoire, que l’on peut toujours revoir avec plaisir. Ainsi, William Forsythe et Jiri Kylián sont à l’honneur, avec à leurs côtés la chorégraphe Meryl Tankard – ex-interprète de Pina Bausch – dont on a pu découvrir cet hiver le superbe solo Oracle. Trois chorégraphes, avec trois vocabulaires différents, pour de jeunes danseurs qui n’avaient pas encore interprété ces pièces.

L'ode à la vie de Meryl Tankard

Repris pour le ballet en 1998, le Boléro de Meryl Tankard avait provoqué une réelle surprise, car elle avait choisi de ne pas montrer les danseurs, les laissant apparaître, tout du long, telles des ombres chinoises. Sur un triptyque d’écrans, des silhouettes féminines et masculines apparaissent et disparaissent sans cesse. Déformées ou très dessinées, elles emmènent le spectateur dans un voyage visuel, sensuel, très coloré, rappelant aussi le procédé du kaléidoscope. Véritable ode à la vie, ce boléro se regarde comme un tableau réconciliant l’art pictural et l’art du mouvement.

Kylián, le couple, le désir, la mort

Constitué de deux parties, Un Ballo de Kylián, dont la musique est aussi de Ravel, met en scène sept couples dans une atmosphère sombre, avec pour seul décor un portique de bougies suspendu. Sur le menuet du Tombeau de Couperin, on savoure de magnifiques pas de deux, tout en sobriété et en délicatesse, tandis que sur Pavane pour une infante défunte les couples réunis en un ensemble nous offrent une danse très graphique dans la pure tradition néoclassique du chorégraphe.

Petite mort, également de Kylián et dansé sur la musique de Mozart, est une variation pour six hommes et six femmes autour de l’amour. Dans un climat à la fois doux et violent, le chorégraphe impose aux danseurs des fleurets prolongeant leurs bras, et aux femmes des corsets serrant leur buste. Si la pièce explore une dualité humaine, elle traque surtout le désir, qui ne demande qu’à exploser même s’il peut être signe de mort.

L’apothéose... 
avec Forsythe

L’idée d’aller voir du Forsythe s’accompagne toujours d’une espèce de jubilation car, même si l’on a déjà vu ses pièces, on a l’impression de découvrir à chaque fois des choses nouvelles, tant son écriture est riche et complexe. Le ballet présente Second Detail, une création de 1991 avec quatorze danseurs en justaucorps gris métallisés relookés par Issey Miyake. Ils forment une machine humaine qui se met en mouvement, rouage après rouage, comme autant de pièces d’un même automate.

Sur une musique très saccadée de Thom Willems, la danse de cette pièce rappelle encore l’esthétique d’un Balanchine, précurseur du néoclassique, dont la technique s’appuie entre autres sur la musicalité des corps, l’espace, la rapidité et la pureté de lignes. Mais Forsythe y ajoute ses méandres en multipliant et compliquant les combinaisons, en jouant sur l’enchevêtrement de solos, de duos à l’intérieur d’un corps de ballet qui peut lui aussi se briser. Déconstruire, reconstruire une écriture avec une gestuelle tendue, et parfois chaotique, c’est bien cela que cet immense chorégraphe propulse sur scène, attisant sans cesse notre curiosité.

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Forsythe, Kylián, Tankard.

Du 3 au 7 avril, à 20h30, à l’Opéra de Lyon.

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