Découvrir les mutations architecturales, scientifiques et intellectuelles du XVIIIe siècle, la vie politique et religieuse à l’époque en se centrant sur une ville, c’est ce que propose le musée Gadagne à Lyon. Dommage qu’il oublie quelques petites choses en route...
En remontant les pendules jusqu’au XVIIIe siècle, le musée Gadagne de Lyon revient sur une période de profondes mutations et d’innovations dans la ville, et ce dans de multiples domaines, creusant parfois l’écart avec Paris. L’architecture d’abord, à travers la présence de nombreuses cartes, plans, vues de la ville et des quais (peintures ou gravures). Lyon étouffant dans son centre-ville, le XVIIIe siècle est marqué par d’importantes évolutions urbaines pensées par les grands architectes, tous convoqués ici, de la création du quartier Saint-Clair par Soufflot à l’extension vers l’est avec le quartier des Brotteaux par Morand, en passant par le projet au confluent mené par Perrache (portrait ci-dessus).
2e puissance économique de France
L’exposition fait également le point sur les institutions qui se partageaient alors le pouvoir, divisé entre le consulat (le pouvoir municipal de Lyon, notamment avec son prévôt des marchands, équivalent du maire aujourd’hui), l’Église et ses archevêques, et enfin les représentants du roi (principalement le gouverneur de Lyon), à travers les portraits de ses plus illustres personnages.
Du point de vue économique, Lyon se place au rang de deuxième puissance économique de France, une prospérité qu’elle doit à l’industrie textile, notamment la soierie, dont l’exposition présente quelques spécimens raffinés, témoignant de l’apogée du savoir-faire lyonnais – le carnet de commandes était alors rempli par les cours de Russie ou d’Espagne, qui ornaient leurs palais des plus belles étoffes.
Premier théâtre à l’italienne et première bibliothèque publique de France
Lyon affiche une vie culturelle et scientifique riche. Dans la section qui lui est dédiée, on découvre que le premier théâtre à l’italienne en France y fut construit par Soufflot en 1756, que la première bibliothèque publique fut créée à Lyon en 1731, soit trente-cinq ans avant Paris, ou que l’Hôtel-Dieu fut un des premiers établissements à comprendre l’importance de la stérilisation du matériel médical (grâce au chirurgien Claude Pouteau), faisant considérablement diminuer la mortalité, un siècle avant Pasteur.
Lyon est aussi la ville du lancement du premier bateau à vapeur de l’histoire, le pyroscaphe, testé sur la Saône (gravure ci-dessus), et des essais des illustres frères Montgolfier avec leur fameux ballon ascensionnel, symbole historique du premier vol d’un être humain. Bref, Lyon est à la pointe, nul ne peut le contredire.
Les facettes manquantes
Mais l’exposition “Lyon au XVIIIe”, sans être tout à fait une hagiographie – quoique (une petite tentative de faire de la ville une amatrice de sciences occultes, l’évocation de la franc-maçonnerie ou du mesmérisme ne parviennent pas à démontrer réellement la face sombre de Lyon) – laisse sur sa faim, malgré une scénographie réussie, notamment la dernière salle d’ouvrages suspendus. À l’échelle d’un siècle, on en voudrait forcément plus.
Quid des arts plastiques ? Si l’artisanat, le savoir-faire technique (menuiserie, marqueterie, faïencerie, soierie, etc.) occupent avec le théâtre et la danse une bonne place, les arts plastiques sont les grands absents de l’exposition. Et quid de la question sociale ? Pourtant, dès l’entrée, la gravure imposante et grouillant de détails de François Cléric (Vue de Lyon prise du quai Saint-Antoine) représentait la société lyonnaise à travers une galerie de personnages, des commerçants aux ouvriers affairés sur les quais de Saône, du mendiant aux notables en carrosse ou chaise à porteurs... Bref, l’image d’une société diverse qui méritait qu’on entende davantage ses préoccupations, surtout lorsqu’on explore une période marquée par un événement aussi retentissant que la révolution française.
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Lyon au XVIIIe, un siècle surprenant ! Jusqu’au 5 mai, au musée Gadagne (Lyon 5e). Du mercredi au dimanche, de 11h à 18h30, sauf le 1er mai.