On pourrait penser qu’à l’adolescence, un jeune mange de tout. Depuis longtemps, son parent est censé l’avoir ouvert à la variété alimentaire en le familiarisant avec toutes sortes de goûts. Pourtant, la réalité est parfois autre. Loin du plaisir partagé, les repas en famille peuvent s’avérer compliqués et la composition des menus tourne alors au casse-tête. Comment en est-on arrivés là ? Que faire pour apaiser les choses ? Quelles attitudes adopter ?
Pour bien grandir, l’adolescent a besoin de se différencier de ses parents. Il s’affirme, et la nourriture fait partie des moyens qu’il trouve pour s’opposer et façonner sa personnalité. Il préfère à cet âge manger de la junk food avec ses copains, commander un kébab et le déguster en solo devant sa série préférée…
Son rythme de vie et ses bouleversements multiples l’entraînent vers de mauvaises habitudes alimentaires : petit-déjeuner zappé, déjeuner pris sur le pouce, grignotages intempestifs… Ainsi, un véritable cercle vicieux, dans lequel l’équilibre alimentaire n’a plus de place, peut s’installer très rapidement.
Éduquer aux goûts
“Que les parents se rassurent, s’ils ont planté les graines quand leur enfant était petit, celui-ci finira bien par reproduire la diversité et l’équilibre alimentaire qui lui ont été inculqués, rassure Isabelle Darnis, diététicienne lyonnaise formée à la psychologie des enfants et des adolescents, spécialisée dans l’éducation positive. En effet, c’est ce qu’ils ont mangé depuis tout petit de même que le modèle qu’on leur a donné qui constituent leur cadre de référence. C’est pourquoi on évitera d’avoir en permanence à la maison des sodas, des plats tout prêts, des pâtes à tartiner et autres aliments ultra sucrés, sinon ils les intégreront dans leurs habitudes de consommation. Par ailleurs, même s’il faut être à l’écoute de son enfant, trop lui laisser le choix n’est pas une bonne chose. L’enfant risque de s’engouffrer dans la faille…” Insidieusement, une véritable tyrannie peut s’installer.
On voit ainsi des familles où les menus sont dictés par les désirs des enfants, comme chez Clarisse, mère de trois grands ados de 16, 19 et 22 ans, tous encore à la maison. “Leurs goûts alimentaires sont restreints et diffèrent d’un enfant à l’autre. Peu de légumes trouvent grâce à leurs yeux, et encore, tout dépend de comment ils sont préparés. Un les préfère crus, l’autre cuits, un autre gratinés… J’avoue que quand ils étaient petits, prise dans un quotidien très rempli, je ne les ai pas forcés, j’allais au plus simple… Maintenant, je suis leurs désirs et, mis à part quelques plats consensuels, les repas que je sers s’apparentent à de véritables buffets où chacun pioche ce qui lui plaît… Cette situation ne me convient pas, mais au moins je suis sûre qu’ils mangent de la nourriture saine.”
L’art du compromis
Les repas doivent être synonymes de convivialité et de plaisir ! L’équilibre alimentaire sera d’autant plus facile à faire passer. “On essaie de préserver le climat pendant les repas, qu’il faut considérer comme un espace de sérénité. On cohabite peu d’années avec son ado, en général quatre ou cinq ans, alors autant faire en sorte que cela se passe bien, et qu’il ait encore envie de manger avec nous”, conseille la diététicienne.
Quelques bonnes habitudes s’imposent : on laisse son smartphone loin de la table, on aborde des sujets qui intéressent l’enfant, on ne le harcèle pas sur sa scolarité ni sur sa tenue à table…
Comme en toute chose, un juste milieu est nécessaire. Isabelle Darnis explique : “Face à un ado qui n’aime rien, on ne doit ni dramatiser ni banaliser. On reste ferme sur nos valeurs, tout en faisant preuve de souplesse. À la maison, les ados doivent s’attacher à respecter les règles de vie commune. Si on est en famille, ils doivent se satisfaire de ce qui a été cuisiné, et non pas se préparer quelque chose en parallèle… Au parent de proposer régulièrement des repas un peu ludiques, comme par exemple un burger, des wraps, des fajitas… Le principe du poke bowl plaît beaucoup : on met plein d’ingrédients sur la table – carottes, poivrons, salade, saumon, riz… – et chacun se sert. On s’attend bien sûr à ce que le jeune ne se cantonne pas au saumon et au riz… Il faut leur montrer que ça peut être cool d’être à table ensemble.”
Tenir le cap
Évidemment, cela réclame de la patience, des idées et du temps, ce que certains parents, pris entre le travail et le quotidien de la maison, n’ont plus.
“Malgré mes tentatives de les éduquer au goût quand ils étaient petits, mes enfants sont restés très fermés à la diversité alimentaire, témoigne Julien, papa solo de deux ados de 15 et 18 ans. Pour éviter les conflits ou qu’ils aillent se rassasier auprès d’aliments industriels, j’ai composé avec les aliments appréciés de mes enfants : pâtes, riz, pommes de terre, viande, et deux ou trois fruits et légumes. Je sais qu’à l’extérieur, ils font des efforts, mais à la maison, je me plie à leurs exigences culinaires. D’autant que je travaille beaucoup, et que je n’ai pas de compétences en cuisine très développées.”
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