Anne Delaigle est entrepreneure à Lyon et a été porte-parole des commerçants indépendants lyonnais pendant le Covid.
Créatrice de prêt-à-porter de luxe à base de cuir d’agneau et de peau lainée pendant vingt-huit ans en centre-ville, Anne Delaigle connaît bien les contraintes et les besoins des commerçants de la Presqu’île. Porte-parole des commerçants indépendants lyonnais pendant le Covid, elle ne s’en laisse pas conter.
Lyon Capitale : Êtes-vous une grande gueule ?
Anne Delaigle : Je pense être simplement sincère et honnête. Je ne sais pas si c’est être une grande gueule, en tout cas j’ai l’impression qu’aujourd’hui ça l’est.
Vous vous mettez souvent en colère ?
Oui, je suis très volcanique. J’ai des opinions assez tranchées. Je vais au bout de ce que je pense et je ne fais rien à moitié. Chez moi, rien ne reste à dire, donc je m’emporte aussi. Très engagée dans tout ce que je fais, la franchise est une seconde nature chez moi.
Quel est votre dernier coup de sang ?
La piétonnisation de la Presqu’île. La question n’est pas d’être pour ou contre. Ça me va très bien : la ville sera apaisée, moins bruyante, moins polluée, ce sera joli, agréable et tout ce qu’on veut. Je vais même vous dire : je pense que la piétonnisation des centres-villes va dans le sens de l’histoire. La problématique est simplement de savoir comment on organise la ville de demain et comment on fait pour ne pas emmener les gens dans le mur, notamment les commerçants. Crier haro sur la voiture, de manière radicale, sans transition et sans alternative quand on est décideur politique, est malavisé et un peu dogmatique. L’idée ne suffit pas à faire un projet. Fermer les rues sans une réflexion globale sur l’urbanisme, la réorganisation des espaces réservés à chacun, le déploiement de nouveaux transports en commun mais, surtout, sans une vraie concertation, pas uniquement dans un “entre-soi”, me semble primordial ! On est loin du compte… Ok, il y a une ambition, mais où est l’organisation, où est la vision à long terme ? C’est “on verra bien comment ça se passe”. Petite parenthèse : cette piétonnisation va profondément changer le réseau des transports en commun, avec un transfert des bus des Terreaux sur le quai Saint-Antoine, le président de la Métropole dit juste que ça se régulera naturellement ; aucune étude d’impact, on marche sur la tête. Je ferme la parenthèse. Bref, à cette piétonnisation, aucune alternative n’a été proposée. Je connais bien la problématique des centres-villes qui se ferment aux voitures. J’ai vu de nombreux centres-villes se fermer aux voitures et je peux vous dire que si on n’accompagne pas ce changement, ce sera vraiment la traversée du désert pour les commerces et, en l’occurrence, les commerces indépendants. On a déjà essuyé les Gilets jaunes, le Covid, les manifestations tous azimuts… On est toujours en première ligne, on va finir par crever.
Les commerçants ne sont-ils pas arc-boutés sur l’idée que beaucoup de leurs clients viennent en voiture ?
Je ne pense pas, non. Mais on ne peut pas changer des habitudes de consommation vieilles de dizaines de décennies en un claquement de doigts. Les gens viennent quand même en centre-ville en voiture parce qu’il devient de moins en moins possible de se loger à Lyon. Vu les loyers et les prix de l’immobilier, les gens vivent dans des zones périurbaines de plus en plus éloignées. Ajoutez à cela une offre de transports en commun très médiocre, qui n’est en tout cas pas à la hauteur, et vous avez la parade pour étouffer le commerce. Il n’y a pas que les Lyonnais qui consomment en centre-ville mais aussi ceux qui habitent en dehors. Et là, on a l’impression qu’ils sont traités comme des étrangers, dont on n’aurait absolument aucune envie qu’ils viennent en ville consommer. Tout cela n’est bon qu’à favoriser la consommation sur les sites internet au détriment des commerces physiques.
Il vous reste 77 % de l'article à lire.
Article réservé à nos abonnés.