Lyon Capitale n°781 – Octobre 2018 (une)

Panique en Collombie

Mais quelle mouche a piqué Gérard Collomb ? Comme en 2012, alors que personne ne voyait venir une réelle menace dix-huit mois avant les municipales, Gérard Collomb panique, sans que grand monde l’ait vu venir.

Il n’y a pourtant pour l’instant objectivement aucune raison de penser que Gérard Collomb sera le troisième maire de Lyon sortant à ne pas réussir à être réélu, après Antoine Gailleton en 1900… et Francisque Collomb en 1989, balayé dans les neuf arrondissements par un quadra ambitieux décidé à aller vite et haut : Michel Noir.

Mais, aux yeux de Gérard Collomb, la menace est double. D’une part, il ne semble plus croire aux capacités d’Emmanuel Macron de redresser la barre dans les mois qui viennent, ce qui en dit long sur les différents signaux qui doivent remonter au ministère de l’Intérieur à quelques mois d’élections européennes bien périlleuses… Sans doute marqué par la déroute qui avait suivi en 1983 sa première élection comme député dans le sillage de Mitterrand en 1981, Gérard Collomb connaît la parade : il s’est toujours bien gardé aux municipales d’apparaître proche de la majorité en place. Même en 2001, alors que la Jospinie n’allait pas encore si mal, il s’était contenté d’une promenade en ville avec le Premier ministre, refusant un affichage plus prononcé. Depuis, il s’est fait le spécialiste des petites phrases tirées contre son camp, estimant que ses électeurs les apprécient comme un gage de “lyonnitude”.

L’autre menace est plus impalpable. C’est une forme d’usure. Après dix-sept ans de règne sans partage sur la ville, de nombreuses forces dans les milieux politiques, économiques ou culturels confient sous cape qu’il serait temps de passer un peu la main, et si possible à un homme ou une femme qui ne s’appellerait pas Collomb. C’est aussi cela qui est remonté aux oreilles du ministre de l’Intérieur. Au point d’anticiper sa déclaration de candidature pour occuper le terrain, quitte à ce qu’on lui reproche de sacrifier la France à sa ville. Vu la légèreté avec laquelle a été gérée l’affaire Benalla, on espère qu’aucune crise plus grave ne viendra offrir à l’opposition l’occasion de dire que le ministre de l’Intérieur avait l’esprit ailleurs au moment où l’on avait le plus besoin de lui…

Pourtant, même chez ses plus farouches adversaires, l’on doute des capacités des candidats déclarés ou supposés de venir renverser la table. Beaucoup se raccrochent à une sécession de David Kimelfeld. Ce dernier multiplie en effet les signaux, mais se garde bien de franchir le Rubicon, synonyme d’une guerre ouverte avec son mentor qui paralyserait son action, alors qu’il a avant tout besoin de se construire, les mains dans le cambouis, un nom et une légitimité. Quelques individualités ont bien essayé de se fédérer, mais elles butent pour l’instant sur le nom de celui qui ira prendre les coups en premier. Une tribune a ainsi été rédigée, sans que personne assume de la signer pour le moment, et même ceux qui l’ont fait circuler assurent qu’ils n’y sont pas pour grand-chose… Autant de signaux que la mainmise de Gérard Collomb sur la ville ne s’est pas desserrée. Mais ce n’est pas pour autant que l’intéressé va reprendre tranquillement son TGV pour Paris.

Il lui reste une épine dans le pied, son propre bébé : la métropole. L’arrivée de Laurent Wauquiez a rebattu les cartes. Non pas qu’il souhaite lui-même prendre le risque improbable de se présenter, mais le président du conseil régional et du parti Les Républicains a tout de même d’autres arguments en poche que le maire de Caluire lorsqu’il s’agit de rassembler les élus Divers droite qui ont jusqu’à présent fait Gérard Collomb au Grand Lyon. Alors que le lien avec les socialistes de Villeurbanne et d’une partie de la banlieue est pour l’instant coupé, Gérard Collomb aurait bien du mal à reprendre en l’état actuel la présidence à David Kimelfeld. Ce dernier a peu de cartes en main, mais il a réussi à conserver les soutiens qui échappent désormais à Gérard Collomb. Le nouveau mode de scrutin en 2020 pourrait tout régler, puisqu’il faudra cette fois assumer devant les électeurs d’être ou pas dans la majorité de Gérard Collomb. C’était pour ce dernier, quand il a écrit la loi, l’assurance d’avoir enfin une majorité à sa main. Encore faut-il gagner…


Le n°781 de Lyon Capitale sera en kiosques vendredi matin – et dès ce soir sur le site pour les abonnés.

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