Il semble farfelu de parler de genre chez les animaux. Et pourtant. L’éditorial du rédacteur en chef de Lyon Capitale.
“My dog is non binary.” En toute fin d’été pluvieuse, lors d’une séance de course à pied le long de la rive droite de l’Arve, entre les Houches et Chamonix, arrosées de mille et une nationalités à l’occasion de l’UTMB (l’un des plus grands événements sportifs du monde), j’ai entendu cette allégation pour le moins déroutante.
“Mon chien est non binaire”, lança une promeneuse américaine, que je croisai, à une congénère (du moins l’ai-je supposé à leurs casquettes floquées de la bannière étoilée).
Je me retournai pour regarder le berger australien qui me zieutai à son tour. “My dog is non binary.” À tout le moins du point de vue de sa maîtresse (en apparence du sexe féminin) qui, pour décider que son chien était non genré, devait probablement ne s’identifier elle-même strictement ni à un garçon ni à une fille.
Réponse du berger australien (domestiqué, obéissant et servile) à sa bergère : “Wouaf ! Wouaf ! Wouaf !” Nous n’en saurons pas plus.
La question animale est devenue un sujet politique à part entière, notamment de l’autre côté de l’Atlantique, où fleurissent depuis plusieurs années les animal studies qui prônent une éthologie en sciences humaines. Certains parlent de “tournant animaliste”, avec une dimension de genre très marquée.
Certes, les gastéropodes ne sont ni mâles ni femelles, mais les deux à la fois. Et les comportements de certains animaux sont à l’opposé de ce qu’on pourrait présumer de leur sexe.
Il semble pourtant farfelu de parler de genre chez les animaux, sachant qu’il est communément admis que les différences de comportement entre le mâle et la femelle relèvent plus d’un instinct de survie et de reproduction que d’une attitude naturelle, comme chez l’humain, inculquée par ce qu’on appelle le conditionnement opérant, c’est-à-dire un apprentissage basé sur le système récompenses/punitions.
En mars dernier, Netflix a discrètement annulé un programme pour jeunes enfants dans lequel “Fred le bison” annonçait son coming out à sa grand-mère : “Je suis non-binaire et ce prénom sonne aussi bien pour un garçon que pour une fille”, préférant qu’on l’appelle “eux ou ils au pluriel” ne se reconnaissant pas quand on lui dit “il ou elle”. Qu’aurait compris un enfant de maternelle ?
J’ai pensé à la chanson des Stooges, I wanna be your dog, hymne à la soumission totale. L’Homme soumet le chien qui se fiche, très probablement, comme de son premier os de savoir s’il est mâle ou femelle. Car ce qu’il attend, c’est avant tout qu’on le nourrisse et qu’on veille sur lui.
Les histoires de genre chez l’humain sont suffisamment compliquées. S’il faut en plus qu’on s’embrouille avec nos animaux de maison…
“Il paraît que la nature/Serait bien mieux sans nos lois”, chantait Julien Doré au bichon. Amour vache !
Il vaut mieux lire ça qu'être aveugle !! (pardon : "non-voyant"...)