Éducation : apprendre la bienveillance à son enfant

Pour beaucoup de parents, la bienveillance est une valeur centrale qu’ils essaient de respecter dans l’éducation de leur enfant. Mais c’est aussi leur rôle de lui transmettre cette qualité. Comment aider son enfant à cultiver la bienveillance, envers les autres mais aussi envers lui-même ?

Apprendre à son enfant à être bienveillant, cela sous-entend l’aider à développer son empathie, son ouverture aux autres, à ne pas être dans le jugement… Très vite, l’enfant découvre qu’en étant bienveillant, des sensations positives apparaissent, et que l’écoute et la compréhension sont bien plus agréables que les rapports de force. Maryline Jury, formée à la méditation de pleine conscience avec les enfants et les adolescents, à la communication bienveillante, et formatrice pour les éducateurs, explique : “Nous sommes fondamentalement faits pour être dans la coopération et la bienveillance. En effet, si l’on écoute son corps, on voit bien qu’être malveillant, passé les premières minutes, nous fait nous sentir mal dès que nous avons repris nos esprits. Se venger, se battre… Cela ne fait que nourrir la haine, qui se retournera tôt ou tard contre nous-même.”

Souligner le courage d’être bienveillant

Cependant, dans notre société, on a davantage tendance à valoriser les situations où l’on passe avant les autres… C’est d’ailleurs bien souvent ce qu’on inculque à son enfant dès son plus jeune âge : ne te laisse pas marcher sur les pieds, impose-toi… Si l’enfant se fait embêter à l’école, on préférera qu’il prenne le dessus et se venge. “Le parent peut décoder ce genre de situation avec son enfant, et ne pas nier qu’il y a un réel plaisir à se comporter comme cela, conseille Maryline Jury. Et expliquer que les désagréments que cela générera ultérieurement seront bien supérieurs et plus durables que le plaisir ponctuellement ressenti. L’enfant finira par avoir une impression de malaise en réalisant qu’il s’est mal comporté, c’est l’effet boomerang. Le parent ne manquera pas de souligner que lorsque l’on est énervé, c’est très courageux de ne pas chercher à écraser l’autre et de choisir une posture bienveillante, tout en faisant valoir ses droits, si besoin avec fermeté. Bienveillance n’est ni mollesse ni complaisance.”

Développer les situations de coopération

Pour développer la bienveillance chez son enfant, on peut lui donner l’occasion de vivre des expériences dans lesquelles il ne s’agit pas d’être plus fort que l’autre et qui nourriront son esprit de solidarité. Cela peut être jouer à des jeux coopératifs, créer des situations d’entraide à la maison, par exemple à l’occasion des tâches ménagères et découvrir qu’on peut y prendre du plaisir… Dans le cadre scolaire, on a malheureusement tendance à prôner l’individualisme, et l’enfant entend de toutes parts qu’il faut être le premier, avoir la meilleure note… “Heureusement, certains enseignants mettent en place des expériences qui font apprécier aux enfants les bienfaits de la bienveillance et de la solidarité. Par exemple, ce jeu où chaque enfant a, quelque part dans la classe, un ballon à son nom. Les élèves se rendent vite compte qu’en coopérant avec les autres, ils retrouvent leur ballon beaucoup plus vite que si chacun cherche uniquement son propre ballon”, témoigne Maryline Jury.

Utiliser la compétition

Omniprésente dans notre société, la compétition peut s’avérer toxique si elle met l’enfant en position d’écraser l’autre. “On peut très bien considérer la compétition autrement, et la transformer en outil de dépassement de soi, note la formatrice. Ainsi, on peut inciter son enfant à changer de point de vue, et transformer “Je suis meilleur que les autres” par “J’ai osé y aller”. Une bonne leçon de bienveillance envers l’enfant lui-même, et aussi envers les autres, qui ne sont pas considérés comme une menace. “Quand mon fils est entré en classe prépa, il redoutait qu’il y ait une mauvaise ambiance et un esprit de compétition poussé à son paroxysme, témoigne Pascale, mère de Martin, 21 ans. En réalité, dès le début, les professeurs les ont mis en garde sur le fait qu’ils n’étaient pas là pour écraser les autres mais pour donner le meilleur d’eux-mêmes. Ils ont insufflé un véritable esprit de solidarité, insistant sur l’entraide qu’il devait y avoir entre les élèves. Si un étudiant était en difficulté, chacun se devait de l’aider, voire de solliciter les professeurs. Cela a été une véritable leçon de bienveillance, et il en a gardé un groupe d’amis extrêmement soudé.”

Lui apprendre à être bienveillant envers lui-même

Être bienveillant envers les autres commence par apprendre la bienveillance envers soi. Les parents peuvent aider leur enfant en lui faisant comprendre qu’on n’attend pas de lui qu’il soit parfait, mais simplement qu’il fasse de son mieux. “Beaucoup d’enfants ont tendance à croire que pour être aimés, il faut qu’ils réussissent, qu’ils soient super performants… L’enfant se juge durement, il devient perfectionniste… Cela crée beaucoup de suradaptation qui a long terme devient délétère pour le développement et le bien-être de l’enfant et de l’adulte qu’il va devenir”, déplore Maryline Jury. Les parents doivent être vigilants lorsqu’ils voient leur enfant prêt à tout pour faire toujours mieux, et développer une hyper exigence envers lui-même. Il ne faut pas hésiter à lui rappeler que l’erreur fait partie du processus d’apprentissage, lui souligner la valeur de son travail au regard de ses efforts et de sa persévérance, et surtout lui rappeler leur amour inconditionnel.

Faire preuve d’exemplarité

Comme en toute chose, l’exemplarité est la meilleure des leçons ! Si le parent est à l’écoute et dans l’empathie, ce sera plus facile pour l’enfant d’accorder de l’attention aux autres, sans jugement. Pour Maryline Jury, le parent ne doit pas hésiter à verbaliser quand il fait le choix de la bienveillance. “Il peut très bien dire à son enfant : ‘Tu vois, dans cette situation, j’aurais pu me mettre en colère, j’ai eu envie d’insulter la personne pour ce qu’elle m’a fait mais j’ai choisi de ne pas nourrir la haine et de rester bienveillant parce qu’au final je me sens mieux et que je garde mon énergie pour ce qui compte vraiment pour moi.’” Ne pas punir son enfant par orgueil mal placé ou pour lui faire payer ses erreurs est aussi un bon exemple à faire valoir. En effet, la bienveillance, ce n’est pas soumettre l’enfant, rechercher une obéissance aveugle et rentrer dans un jeu de pouvoir qui ne pourra être que contreproductif sur le long terme. “Le parent peut très bien expliquer clairement à son enfant : ‘Pour ce que tu as fait, j’ai choisi de ne pas te punir, je n’en retirerai aucun plaisir, ça ne m’apportera rien, et à toi non plus. En revanche, on va reparler des règles, afin que tu réfléchisses et comprennes pourquoi les respecter permet de mieux vivre ensemble.’ C’est ainsi que l’on favorise une prise de conscience chez l’enfant, en aiguisant son discernement et en faisant appel à son intelligence”, ajoute la formatrice.

Résister à l’effet de groupe

Aussi bien intentionné soit-il, tout enfant peut se laisser embarquer dans un groupe et se retrouver à maltraiter son ou ses camarades. Il y a toutes sortes de raisons à cela : manque de confiance en lui, peur des représailles, l’envie d’être lui aussi populaire… Évidemment, à court terme, l’enfant peut ressentir un certain plaisir à être inclus dans le groupe mais, à terme, il risque d’être envahi par le mal-être. “Quand elle était au collège, ma fille s’était laissé embarquer par un groupe de trois filles que tout le monde admirait et craignait en même temps, raconte Véronique, mère d’Iris, 13 ans. Elle s’est sentie flattée mais, très vite, j’ai vu que son comportement avait changé. Elle se rembrunissait, était désagréable avec nous. Jusqu’à ce qu’elle nous explique ce qui se passait : en fréquentant ces filles populaires, elle s’est retrouvée à faire des choses qui ne lui correspondaient pas : se moquer des autres ou leur donner des ordres, isoler une personne en particulier… On l’a aidée à se désengager de ce groupe, il lui a fallu du courage, mais finalement elle s’est sentie vraiment soulagée.” En préventif, le parent peut donner à son enfant des clés pour résister à la pression de ses pairs, qui peut l’amener à agir au détriment d’autrui. “On peut expliquer à son enfant qu’il est tout à fait normal de vouloir être populaire, rappelle Maryline Jury. Mais il faut bien comprendre que c’est choisir de se soumettre à une norme toujours changeante et que plaire à tous en tout temps est un idéal inaccessible. Vouloir contrôler ce que les autres pensent de nous nous rend vulnérable et manipulable jusqu’à faire des choses qui vont à l’encontre de nos propres valeurs.” Le parent ne manquera pas non plus de rappeler à son enfant qu’être populaire et être aimé sont deux choses bien différentes.


À lire

Pour les enfants :

Les Philo-fables pour vivre ensemble, Michel Piquemal, éditions Albin Michel

L’Alphabet de la sagesse : 26 contes du monde entier, Johanna Marin Coles, Lydia Marin Ross et Marie Delafon, éditions Albin Michel

Pour les adultes :

Le Pouvoir de la vulnérabilité, Brené Brown, éditions Guy Trédaniel

Résister à la culpabilisation, Mona Chollet, éditions La Découverte

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