Le porte-parole du groupe d'extrême droite identitaire, Les Remparts, était jugé ce mardi au tribunal judiciaire de Lyon. Il est soupçonné d'avoir organisé et participé à la manifestation interdite "Lugdunum Suum" le 8 décembre 2022.
Ses prises de parole dans les médias auront fait de lui une "cible", visée par "un procès politique" assure-t-il. Ce mardi 16 mai, Sinisha Milinov, militant de l’extrême droite identitaire à Lyon, porte-parole du groupe Les Remparts, était jugé en chambre presse au tribunal judiciaire pour avoir organisé et participé à la procession interdite par la préfecture, "Lugdunum Suum", le 8 décembre 2022 au soir.
L'interdiction de manifester de la préfecture : illégale ?
Veste Barbour sur les épaules, cravate et chemise enfilées sous un pull camionneur, moustache et coupe de cheveux ciselées, l'étudiant de l'université Lyon 3 s'est avancé à la barre visage fermé. Le jeune de 21 ans, très médiatique, avait appelé sur les réseaux sociaux à participer à cette procession, qui suivait celle organisée par le diocèse, pour honorer Marie, "faire perdurer ma tradition", explique-t-il.
Son conseil, Maître Pierre-Vincent Lambert, défenseur aguerri des personnalités à l'extrême-droite du spectre des idées, a plaidé la relaxe, estimant que l'arrêté d'interdiction de manifester pris par la préfecture du Rhône en amont du rassemblement était illégal. "A partir de 2015, chaque année, l'interdiction de cette procession a été systématique. On nous dit, 'vous êtes identitaires d'extrême droite, à Lyon il y a l'extrême gauche, donc on interdit, a lancé l'avocat dans un style offensif. Et d'ajouter : Cette marche ne suscite pourtant pas d'animosité de la part des opposants politiques."
"On aurait mené une contre-manifestation"
Le conseil a par ailleurs rappelé qu'en 2020, le tribunal administratif avait annulé un arrêté similaire à celui pris en 2022, estimant que le risque de trouble à l'ordre public n'était pas avéré, celle-ci s'étant déroulée sans heurts entre 2008 et 2014. Dans les couloirs du tribunal, un militant antifasciste venu suivre l'audience confie toutefois à Lyon Capitale : "Cette année, s'il n'y avait pas eu d'interdiction de manifester, on aurait mené une contre-manifestation." Sur les faits, le procureur de son côté a rappelé que Sinisha Milinov avait bien appelé à participer à cette manifestation sous la bannière "Lugdunum Suum", elle seule interdite contrairement à la procession du diocèse, et "s'est repandu sur les réseaux sociaux pour contester l'interdiction de manifester".
"Je n'ai pas affiché de banderole, je voulais juste participer à la marche du diocèse et faire perdurer ma tradition. N'ai-je pas le droit ?", répond de son côté l'accusé, décomposant chaque mot et chaque syllabe de sa phrase. Et la présidente du tribunal de résumer la transcription écrite d'un reportage TV de BFM Lyon dans lequel le militant donne une interview dans laquelle il est présenté comme "cadre des Remparts".
"Ne donnez pas d'interview"
"Je suis reconnu comme un militant, quoi que je fasse, on m'identifie à ce groupe", répond l'accusé. "Ne donnez pas d'interview", rétorque la présidente. Me Pierre-Vincent Lambert, s'il conteste l'interdiction de manifester, conteste également la matérialité de cette dite manifestation. "A la presse, la préfecture a expliqué qu'une intervention des forces de l'ordre n'était possible que si des signes distinctifs étaient visibles. Ce n'était pas le cas, à rappelé le conseil. Et d'ajouter : On n'a donc aucun élément qui permet de confirmer la matérialité de cette manifestation et de la distinguer de la procession du diocèse."
Le ministère public a ainsi requis 100 jours amendes à 10 € chacun pour le délit d'organisation d'une manifestation interdite, et 300 € d'amende pour avoir participé à cette dite manifestation. "Plusieurs centaines de milliers de personnes se rendent dans le Vieux-Lyon le 8 décembre. Les Remparts est l'embryon qui a succédé à Génération identitaire, avec l'esprit de confrontation physique qu'on lui connait, cela a justifié cet arrêté préfectoral", estime le procureur. "La préfecture du Rhône a anticipé les directives liberticides données par le ministère de l'Intérieur", a lancé Me Lambert après l'audience, en référence aux récentes consignes de Gérald Darmanin, intimant aux préfets d'interdire à priori tous les rassemblements jugés d'extrême droite.
Sinisha Milinov sera fixé sur son sort le 20 juin prochain.
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Question idiote : et qu'elles poursuites contre les responsables des groupes d'extrême gauche qui sont à l'origine des débordements systématiques lors des manifestations initialement pacifiques?