Affaire Le Roux : l’ex-épouse d’Agnelet confie ses doutes

ENTRETIEN EXCLUSIF – Annie Litas, l’ex-épouse de Maurice Agnelet, s’exprime pour la première fois après les révélations de son propre fils Guillaume lors du procès de Maurice Agnelet à Rennes. Guillaume Agnelet a accusé son père d’avoir tué Agnès Le Roux. L’ex-avocat niçois a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle.

Lyon Capitale : Comment avez-vous réagi aux révélations de votre fils Guillaume ?

Annie Litas : J’étais totalement tétanisée. Je suis extrêmement émotive, je l’avais signalé à Rennes, et l’émotion était plus forte que la raison : je n’arrivais pas à comprendre. Depuis, j’ai passé mon temps à essayer de comprendre, sans vraiment y arriver, mais j’ai quelques fils conducteurs.

Très jeune, Guillaume a voulu vivre avec son père, ce à quoi je ne me suis pas opposée. A-t-il trop investi dans un personnage décevant ? Son changement d’attitude vis-à-vis de son père tend à le prouver. Il faut dire que la personnalité de Maurice Agnelet est apparemment facile superficiellement et difficile à comprendre et à supporter quand on s’attache au fond.

Ses relations avec moi ne sont pas bonnes depuis fort longtemps : il ne m’a pas permis de connaître mon dernier petit-fils. Il m’est arrivé de recevoir sur la route en allant chez lui un SMS me disant que je n’étais pas la bienvenue. J’étais sûrement trop prise par l’anxiété quotidienne de la survie pour avoir pu prendre le temps de l’entendre quand il était adolescent. Élever trois enfants seule n’est pas si simple.

Par ailleurs, ses relations avec son dernier frère se sont aussi dégradées (jalousie, rancœur ?).

Si on fait le bilan, il n’a de bonnes relations ni avec son père, ni avec sa mère, ni avec son frère, et comme il a un besoin impératif d’avoir raison alors : “on est avec lui ou contre lui”, c’est son leitmotiv, il n’y a pas de juste milieu, il n’écoute pas la parole des autres.

C’est une forme de vengeance, selon vous ?

Je n’emploierais pas ce mot. Il y a sûrement derrière cette attitude une profonde douleur. C’est comme s’il avait voulu faire disparaître cette famille avec qui il est en désaccord : le père en prison, la mère et le frère décrédibilisés. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a aussi un problème financier qui sous-tend le problème psychologique.

Vous faites référence à l’héritage des grands-parents Agnelet ?

Ce n’est pas à moi d’en parler, c’est le problème des enfants et de leur père. Certes, je suis témoin d’un certain nombre de choses. J’ai eu à ce sujet des discussions violentes avec Guillaume : il a usé de chantage à mon égard pour finalement léser son père et son frère. J’estime qu’on ne doit voler ni son père ni son frère, c’est tout. Aujourd’hui, Guillaume est contre tout le monde. Je pense que c’est une manière de refuser cette famille qu’il estime ne pas être proche de lui et de sa manière de voir les choses. C’est une façon de tuer ses parents.

Pour vous, Maurice Agnelet n’est pas coupable du meurtre d’Agnès Le Roux ?

Ce n’est pas à moi de dire s’il est coupable ou non, et d’ailleurs je n’ai jamais dit quoi que ce soit là-dessus, ni dans un sens ni dans l’autre. Je continue à être dans le doute le plus complet et je continue à ne pas vouloir me poser la question, car, quand le doute est là, et depuis si longtemps, il est impératif d’oublier. Pourtant, si on s’attache à comprendre le personnage, on voit que c’est un manipulateur, mais pas un acteur. Je me suis bien appliquée, à Rennes, à être au plus près de ce que je pense : c’est un mauvais mari et un mauvais père. Je ne vais pas plus loin, ce serait extrapoler sans preuves.

Vous n’avez jamais cherché à comprendre ce qui s’est passé ?

Vous savez, quand, du jour au lendemain, vous êtes obligée de prendre en charge trois enfants dans des conditions difficiles (je me suis vu refuser du travail à cause du nom que je portais et que je continuais à porter pour les enfants), vous êtes obligée de vous expatrier et de refaire une vie seule, donc la seule chose à laquelle vous vous raccrochez c’est le quotidien. De plus, je me sentais étrangère à cette affaire et à ses personnages. Ma façon de survivre a été de laisser le passé derrière moi.

Avez-vous des relations avec Maurice Agnelet ?

Cela fait une éternité que je ne l’ai pas vu, ni n’ai parlé avec lui. À Rennes, mon regard ne l’a même pas croisé.

Vous n’en parliez jamais ?

Le moins possible, et mes enfants respectaient ma réserve.

Aujourd’hui, que pouvez-vous retenir de votre vie à vous ?

C’est un peu ce que je suis en train de mettre au clair. Je pense avoir fait ce que j’ai pu, en particulier pour mes enfants. J’ai refait ma vie seule, dans l’effort et la difficulté. Je n’ai pas fait de mes enfants des voyous : l’un était chercheur à l’institut Marie-Curie à 25 ans, l’autre est informaticien rattaché au ministère des Finances (pour autant que je le sache), le dernier est plongeur professionnel et soudeur spécialisé, même si actuellement son état de santé l’a obligé à accepter un autre emploi. J’ai élevé mes enfants seule et j’ai une maison que je tiens debout malgré vents et marées.

Cette affaire, même si elle ne les concernait pas directement, a été un handicap majeur pour les enfants, qui ont toujours été en butte à l’opinion publique. Voilà pourquoi il est très important de souligner que cette affaire n’aurait pas pris le tour délétère qu’elle a connu si la justice n’avait pas choisi de jeter aux orties la prescription, en permettant un changement de définition, passant d’une “disparition” (prescription 10 ans) à un “recel de cadavre” sans cadavre et sans prescription. Au bout de quinze ans tout au plus, on en aurait terminé, alors que nous vivons cette ordalie depuis bientôt quarante ans et que nous ne sommes pas près d’en voir la fin, sauf si la mort est au bout.

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