Le 26 septembre 2014, les cinq accusés du braquage de l’agent de change de la rue de la République (Lyon 1er) étaient condamnés à des peines allant de 5 à 20 années de réclusion criminelle. Le procès en appel de trois d’entre eux s’est ouvert ce jeudi à Lyon, devant la cour d’assises du Rhône.
Palais des 24 Colonnes, jeudi 31 mars. Le braquage spectaculaire de Global Cash, qui avait défrayé la chronique lyonnaise en septembre 2010, est denouveau devant la justice. Dans leur box, Brahim Ouis, 29 ans, Idriss Mekhilef, 32 ans, et Samir Belghazi, 34 ans – qui ont respectivement fait appel de leurs condamnations à 17, 18 et 20 années de prison – font face à l’avocate générale Fabienne Goget, qui représentait déjà l’accusation lors de leur premier procès.
Au fil du temps, Ouis puis Mekhilef avaient fini par reconnaître leur participation au braquage. Mais Belghazi, lui, maintient ne pas être le cinquième homme du commando : “Cela fait six ans que je clame mon innocence (…) J’ai été condamné sans preuve. Sur cent photos dans le dossier il n’y en a aucune de moi !” explique le jeune homme, invité à prendre la parole par le président de la cour.
Belghazi trahi par son pull-over ?
À la barre, pourtant, les policiers sont formels. Belghazi est bien l’homme encagoulé qui tenait la foule en respect pendant le braquage. Celui qui avait pris un passant en otage et blessé par balle un automobiliste avec sa kalachnikov. “Sinon, pourquoi son portable aurait-il été éteint durant toute la commission des faits ?” interroge Gilles Maisonnette, commandant de police judiciaire à la brigade de répression du banditisme (BRB). Belghazi, lui, explique qu’il l’avait prêté pour la journée à l’un des braqueurs. Et l’officier de police de poursuivre : “Lorsque l’accusé est extrait de détention pour être interrogé sur l’affaire [Samir Belghazi purge alors une peine de six mois d’emprisonnement ferme pour des infractions à la législation routière, NdlR], il porte le même pull-over que le cinquième braqueur sur les bandes de vidéosurveillance qui ont filmé la scène !” Un élément accablant pour l’accusation, mais une simple coïncidence pour ses avocats. “Si mon client avait fait le coup, il n’aurait pas revêtu son uniforme de braqueur pour son audition !” rétorque Me Berton, l’un des avocats de Samir Belghazi.
En renfort de Me Naserzadeh dans la défense de celui que l’accusation considère comme le commanditaire du braquage, le ténor du barreau lillois poursuit : “Vous maintenez qu’aucun repérage n’a été effectué par les braqueurs aux abords du bureau de change ? Impossible ! Vous les avez laissés faire, voilà tout ! Ou bien alors, il y avait un indic’ !” L’allusion à peine voilée au système présumé des indicateurs corrompus du commissaire Neyret dans le grand banditisme lyonnais ne semble pas ébranler le policier. Et l’avocat de conclure devant ce témoin impassible : “Les méthodes de la police lyonnaise sont décidément inédites !”
Un alibi jamais vérifié
Que ce soit en garde à vue ou lors de sa mise en examen, durant sa détention provisoire ou pendant le premier procès, la défense de Samir Belghazi n’a jamais varié : au moment de l’attaque de Global Cash, il déjeunait au restaurant Quick de Bron avant de se rendre, seul, à un mariage à Vaulx-en-Velin où il aurait passé la soirée. “Mon client a toujours fourni un alibi matériellement vérifiable. Pourquoi cela n’a-t-il jamais été fait ?” interroge Me Naserzadeh.
“On n’en croyait pas un mot !” explique le commandant de police. Et l’enquêteur de poursuivre : “La première audition de Belghazi pour cette affaire date de mars 2012. Or, les bandes de vidéosurveillance des établissements accueillant du public – y compris donc les Quick halal – ne sont pas conservées plus de six mois. Sinon c’est illégal ! Deux ans après les faits, il était donc trop tard pour vérifier cet alibi.” “C’est surréaliste ! Mon client paye aujourd’hui le fait de ne pas avoir été interpellé avant !” dénonce l’auxiliaire de justice. “Alors pourquoi ne pas avoir interrogé, au moins, les invités du mariage ?” renchérit Me Berton. “Le commandant l’a déjà expliqué, les policiers n’ont pas cru une seconde à cette version des faits”, conclura, au nom du policier, le président de la cour.
Suspension d’audience. Le père de l’accusé, agacé par la tournure de la déposition policière, explique : “C’est insensé ! Mon fils n’a pas à prouver qu’il n’a pas participé au braquage, c’est à l’accusation de démontrer son implication !” Et de poursuivre, convaincu de l’innocence de son fils : “Oui, Samir a un casier judiciaire : des infractions au Code de la route, des trafics de téléphones portables, des broutilles pour lesquelles, c’est normal, il a payé. Mais tout ça n’a rien à voir avec l’image de braqueur chevronné qu’on essaie de lui coller !”
Plus de cinq ans après le braquage de Global Cash, la défense a encore une semaine pour tenter d’obtenir l’acquittement de Samir Belghazi. Condamné en première instance à vingt années de réclusion criminelle, il sera fixé sur son sort à la fin de la semaine : le verdict de la cour d’assises d’appel sera rendu vendredi en fin de soirée.