Dans un dossier de braquage, un président de cour d'assises s'est-il mêlé de ce qui, en droit, ne le regarde pas?
Les juges ne peuvent faire ce qu’ils veulent. Raphaël Chiche, avocat au barreau de Paris, est venu le rappeler à la barre de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Lyon ce jeudi 19 juin. La chambre de l’instruction est l’instance qui instruit les recours et les appels contre les décisions des juges. Les débats y sont souvent techniques, parfois arides mais, pour une large part, guidés par l’enjeu des libertés fondamentales qui sous-tendent une société démocratique.
Me Raphaël Chiche est venu soulever une faille de procédure pour réclamer l’annulation de la prolongation de détention provisoire de son client, Yohan Greco, poursuivi pour le braquage du dépôt Chronopost de Décines le 29 mars 2010. Plusieurs millions d’euros de chèques cadeaux y ont été dérobés par des individus armés et cagoulés. Greco a déjà écopé de 18 ans de réclusion en avril dernier pour le braquage de la bijouterie Loubet à Lyon en 2010.
Mais dans le dossier dit Chronopost, Yohan Greco avait vu sa détention provisoire prolongée suite au rappel du président de la cour d’assises, lequel est précisément censé juger Yohan Greco dans quelques mois. Le président de la cour d’assises du Rhône a en effet enjoint le parquet général de prolonger la détention provisoire de Yohan Greco dans une lettre qu'il lui a personnellement adressée.
C’est parfaitement contraire à la loi et à la jurisprudence. Comme tout un chacun, un juge ne peut être juge et partie. Pour faire clair, il ne peut à la fois participer à un acte de poursuite ou d’instruction et juger les faits qui lui sont soumis comme en dispose l’article 253 du Code de procédure pénale qui, dans son article préliminaire, affirme « la séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement ».
Pour Me Chiche, cette affaire souligne « la proximité douteuse entre le parquet et le président d’une cour d’assises. C’est une appréciation toute particulière de séparation entre les magistrats du siège et du parquet. L’intervention du président de la cour d’assises est inappropriée, déplacé, hors de tout cadre légal et lourde de sens ». L’avocat général a dénoncé des « arguties juridiques ». Délibéré le 27 juin prochain.