Roland Agret : “Agnelet, c’est une erreur de justice”

Roland Agret, président de l’association Action Justice, s’étonne du verdict prononcé par la cour d’assises d’Ille-et-Vilaine à l’encontre de Maurice Agnelet, condamné à 20 ans de réclusion criminelle pour l’assassinat d’Agnès Le Roux. L’héritière niçoise avait disparu en novembre 1977, à bord de sa Range Rover Blanche.

Roland Agret, lui-même victime d'une erreur judiciaire à la fin des années 1970, parle ici d'"une erreur de justice", estimant qu'il n'a pas de preuves tangibles pour condamner cet homme. "Maurice Agnelet était son propre ennemi dans ce procès", avance Roland Agret, connu pour avoir notamment défendu Dany Leprince.

Lyon Capitale : Huit jours après le verdict du procès de Maurice Agnelet, comment avez-vous décrypté ce verdict ?

Roland Agret : C'est difficile à dire. J'ai un sentiment de terrible gâchis. Moi, ce verdit, je le vis comme une immense injustice et surtout comme une terrible erreur de justice. Si on observe le parcours judiciaire de cette affaire, qui va rester mémorable dans ses annales, la justice a d'abord dit non, puis elle a dit oui, puis non, puis oui ! Le spectacle est affligeant pour le justiciable. Pour qu'il admette une peine, il faut qu'il la comprenne. Aujourd'hui, je suis désolé, je ne comprends pas ce verdict.

Comment expliquez-vous cette condamnation ?

Il y a des faisceaux effectivement. Mais je crois que l'on a dérapé dès la genèse de l'histoire. À l'époque, c'est une affaire de Fratoni, de gangsters de haute volée, une affaire qui avait des ramifications avec la mafia italienne... Il y avait des histoires de blanchiment d'argent. Cet argent du crime transitait par les casinos. Mme Le Roux, la mère d'Agnès, faisait partie de ce paysage. Elle s'est permis à l'époque d'aller jouer au casino de Jean-Dominique Fratoni, son concurrent direct, et d'aller y perdre 4 millions de francs. Qu'elle se batte pour sa fille, je le comprends parfaitement, mais sa fille avait tout de même très peur de sa famille, très peur d'elle. Tout ce contexte-là a été balayé. Maurice Agnelet, on ne parle plus de sa culpabilité ou de son innocence, c'est quelqu'un qui se présente comme un garçon épouvantable. Mais, depuis 37 ans, la justice fait montre d'un spectacle où elle est complètement dépenaillée. Et la "Justice France" s'est pris une volée mémorable par la Cour européenne des droits de l'homme, et elle en prendra une autre.

Il y a des règles et des codes : comment une cour d'assises peut s'affranchir de ces codes et que le doute de bénéficie pas à l'accusé ? Elle a condamné Agnelet par son imagination, par une construction intellectuelle. Comment imaginer un crime sans corps, sans arme, sans aveux, sans scène de crime ? Là, on est dans la construction intellectuelle. La justice ne doit pas fonctionner comme cela, il faut des preuves tangibles. Il faut avoir assez d'humilité pour dire : On n'a pas de preuve, il ne faut pas condamner. Je ne préjuge pas de son innocence ou de sa culpabilité, je dis qu'on ne pouvait pas le condamner.

Il y a eu des rebondissements, comme le témoignage accablant de Guillaume Agnelet. Il affirme avoir reçu des confidences de son père et de sa mère, Anne Litas, quand il était jeune, avouant avoir tué la jeune femme ?

Alors l'histoire de la balle dans la tête, on en avait parlé... Je veux bien que Guillaume Agnelet ait dit la vérité, mais en matière de justice on ne fonctionne pas comme cela. On aurait dû vérifier immédiatement si ses dires étaient crédibles. Il fallait étayer ses propos. Franchement, au mois de novembre, il ne fait pas très chaud, on part en Range Rover alors qu'on est habitué à des palaces pour faire du camping sauvage en Italie... Moi, je m'interroge. Ce que je souhaite, ce sont des preuves.

Pourtant, il y a le comportement ambigu de Maurice Agnelet suite à la disparition, le compte de 3 millions de francs ouvert par Agnès, puis renommé par l’ex-avocat, les écrits de la Pléiade ?

Je suis d'accord, il a un comportement que l'on peut qualifier de suspect ou d'inconscient. On peut dire que c'est un sale type. Mais est-ce que ce comportement est une preuve de culpabilité ? C'est la question que je me pose. Dans ce procès, heureusement qu'il y avait François Saint-Pierre [avocat historique de Maurice Agnelet], mais c'est Agnelet contre Agnelet. Son pire ennemi était lui-même. Mais il est peut-être monstrueux certes, mais je suis désolé, il n'y avait pas de preuves pour le condamner. Je comprends très bien son pourvoi en cassation. Je ne sais pas s’il est coupable ou innocent, mais dans sa démarche de clamer son innocence, c'est logique qu'il aille en cassation. De la même façon que Me Saint-Pierre retourne auprès de la Cour européenne.

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