AFFAIRE PHINEAS : 3 QUESTIONS A SEBASTIEN ROCHE, DIRECTEUR DE RECHERCHE AU CNRS

Cette recherche de reconnaissance médiatique explique-t-elle le comportement de Mickaël Tronchon ?

Sebastian Roché : La reconnaissance médiatique n'explique pas le choix des cibles. Il aurait très bien pu attaquer l'hôtel de ville à la pioche ! Les médias et la police seraient venus assez vite... Certes, la reconnaissance médiatique est importante. Mais cette dimension ne me paraît pas suffisante pour expliquer le fait qu'on attaque les minorités. Car on peut être connu autrement. Même si pour lui c'était certainement la manière la plus rapide de se faire connaître. Mais pour aller détruire les tombes, il faut d'abord être dérangé mentalement et avoir des préjugés raciaux.

Kamel Kabtane, recteur de la mosquée de Lyon et à l'époque président du CRCM (Conseil Régional du Culte Musulman) expliquait qu'il y avait deux poids deux mesures dans les réactions. En substance, il disait : "quand un arabe se fait agresser à la hache, on n'en parle pas. Mais quand un cimetière juif se fait profaner, on en parle".
C'est juste. Il y a plus de sensibilité de la presse aux attaques qui concernent la communauté juive qu'aux attaques qui concernent la communauté maghrébine. Car il y a eu une sensibilisation de l'importance des discriminations et sur l'extermination qu'ont vécue les Juifs. Alors qu'on ne trouve pas d'associations qui vont représenter de façon aussi constante les intérêts de la communauté maghrébine.

Dans quelle mesure l'affaire Phinéas, tout comme d'autres affaires du même type, sont la révélation de tensions racistes à l'œuvre dans notre société ?
Ce sont des illustrations tragiques. Des sondages ont été réalisés par la commission nationale des droits de l'homme. Ils montrent que depuis les émeutes de 2005 il y a eu une remonté de la tension vis-à-vis de ces minorités. Et aussi entre les communautés, liées notamment entre Juifs et Arabes, importantes, surtout au moment des intifadas au Moyen-Orient. En France, on n'a plus l'habitude de ces clivages ethniques et religieux, qui pourtant ont travaillé la société française à la fin du XIXe siècle. Un siècle plus tard, ce qui semblait appartenir à l'histoire ressurgit. Et on commence seulement à considérer que cela existe. Mais comme ces problèmes ne sont pas pleinement reconnus, les outils statistiques ne sont pas constitués. Cela se fait à reculons.

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