Annabel Talon porte plainte pour harcèlement contre Benjamin Dessange © Tim Douet

Annabel Talon, des Minguettes au harcèlement sexuel du PDG de Dessange

Originaire du quartier des Minguettes à Vénissieux, l'ex-directrice commerciale export du groupe Dessange a porté plainte en 2014 contre le fils du créateur de l'entreprise. Le 11 juillet, Benjamin Dessange a été placé sous le statut de témoin assisté pour "appels téléphoniques malveillants" et "harcèlement sexuel".

Depuis le quartier des Minguettes près de Lyon, Annabel Talon a connu à la fois l'envol et la chute au sein du groupe de coiffure Dessange. Embauchée à 15 ans comme apprentie coiffeuse, elle gravira les échelons jusqu'au poste de directrice commerciale export du groupe. Une carrière de plus de 20 ans soldée par une plainte pour "harcèlement sexuel" et "appels téléphoniques malveillants" à l'encontre du PDG, Benjamin Dessange.

Des agissements qui auraient démarré en 2011 en marge d'un séminaire à New York. Très insistant tout au long d'une soirée, Benjamin Dessange lui aurait téléphoné dans sa chambre d'hôtel pour lui demander de le rejoindre. Le lendemain matin, le patron lui aurait tenu ces propos "Annabel, on ne me refuse jamais. Ce soir, je te glisserai la carte de ma chambre. On se retrouve", témoigne-t-elle dans les colonnes du Monde. Depuis cette soirée, Benjamin Dessange n'aurait cessé de lui écrire - jusqu'à 100 SMS par jour-, de tenir des propos et d'avoir des gestes déplacés. Un an plus tard, Annabel Talon est en arrêt maladie et tentera même de se suicider.

Un silence de centaines de milliers d'euros  

C'est à l'été 2013, lors d'un voyage en Chine qu'elle ne peut manquer, que l'ex-directrice commerciale atteint le point de non-retour. Après avoir tenté d'éviter son patron en prenant un avion différent et demandé au directeur général de "ne pas la laisser seule", elle croise Benjamin Dessange dans un ascenseur. Selon son témoignage sur procès-verbal, il lui aurait "touché la cuisse et le bas de la fesse" avant qu'elle ne lui crache à la figure. C'en est trop. Au retour, une avocate lui conseille de se mettre en arrêt maladie et de venir la voir. À l'époque, l'affaire se règle par un accord entre avocats. Un chèque de 103 000 euros lui sera signé pour que le silence demeure. Mais lorsque son compagnon de l'époque se voit forcé de fermer l'institut de beauté qu'il a lancé car il se trouvait trop près d'un salon Dessange, Annabel Talon ne veut plus garder le silence. En septembre 2014, elle porte plainte.

Confrontation

Quelques jours plus tard, 500 franchisés français recevront un courrier anonyme, dont Annabel Talon s'attribuera l'écriture devant les enquêteurs."Plusieurs collaboratrices de la société se sont plaintes d'un harcèlement sexuel écœurant et ont été pour la plupart licenciées en échange d'un protocole transactionnel [...] afin de les faire taire". Depuis sa plainte, les enquêteurs ont recueilli des témoignages d'anciennes salariées. En 2004, un autre chèque de 47 500 euros avait été signé à l'attention de Virginie après 10 ans de carrière pour les mêmes accusations et trois autres ex-salariées ont témoigné de harcèlement moral et de menace de la part de Benjamin Dessange.  Depuis le 11 juillet, le PDG a été placé sous le statut de témoin assisté dans cette affaire. Plus récemment, le 2 août, les avocats de la plaignante ont demandé à la juge à ce qu'une confrontation soit organisée et à ce que le PDG soit de nouveau interrogé en leur présence. Face à la justice, l'homme de 51 ans conteste la version d'Annabel Talon, indiquant qu'ils avaient une relation amoureuse.

"Droit de cuissage"

Pourtant dès 2011, un ouvrage polémique écrit par le fondateur de l'entreprise, Jacques Dessange, démarrait une guérilla judiciaire entre père et fils. Intitulé "Le Complot" le texte du père accuse son fils de l'avoir évincé de sa société en 2010. Au sein du texte publié en différents morceaux sur internet, il est évoqué un "droit de cuissage" du PDG sur ses collaboratrices. Interrogés par Le Monde, les avocats de Benjamin Dessange soupçonnent d'ailleurs à demi-mot le père de vouloir régler ses comptes en évoquant "un contexte extérieur même à la plaignante". Selon Le Monde, Jacques Dessange prendrait en charge les frais d'avocats d'Annabel Talon. Mais pour les avocats de cette dernière, "quel intérêt aurait eu Annabel Talon à déposer une plainte, si ce n'est risquer de perdre ses 100 000 euros d'indemnités" interrogent-ils. Saisi, le téléphone de Benjamin Dessange ne contenait aucun message, ce dernier expliquant à la justice avoir pour habitude de les supprimer quasi instantanément.

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