Entretien avec l'un de ces "Déboulonneurs" qui veulent raser les "4 par 3" présents dans nos villes.
Lyon Capitale. En tant que militant anti-pub vous comparaissez devant le tribunal de police pour avoir écrit des slogans sur des panneaux publicitaires. C'est un bon coup de pub pour vous !
Bertille Darragon : C'est notre objectif. Car à l'origine la publicité signifie rendre public. Mais actuellement, les pubs n'apportent plus une information sur le produit. C'est devenu un dangereux matraquage qui incite à la surconsommation, au gaspillage tout en véhiculant des messages individualistes et machistes.
La pub semble admise par la majeure partie de la population, pourquoi la contestez-vous ?
Une précision : selon un récent sondage, 73% de la population trouve que la publicité est trop envahissante. Dans notre action militante, on ne fait que retranscrire cette idée, en mettant le débat sur la place publique. Notre objectif n'est pas la suppression de la pub mais sa limitation en taille et en nombre. On s'attaque particulièrement aux "4 par 3" (ces grands panneaux publicitaires de huit à douze mètres carrés, ndlr), car c'est la forme de publicité qu'on subit le plus. On peut toujours éteindre la télé ou fermer son journal mais il est difficile de ne pas croiser un de ces panneaux. Alors que s'ils étaient limités à un format de 50x70 cm, la pub retrouverait son rôle de vecteur d'informations.
La publicité permet de financer des journaux, des sites d'infos,... En tant que militant anti-pub, vous vous interdisez de lire ses médias ?
Personnellement, j'évite les journaux financés par la pub, je n'ai pas la télé et je n'écoute que France Culture. Je suis prête à payer plus cher mon journal pour qu'il n'y ait pas de pub. Par ailleurs, c'est une illusion de penser que la pub permet la gratuité. Au final, le consommateur la paye !
Vous vous en prenez au publicitaire JC Decaux mais pas à la ville de Lyon qui a autorisé l'implantation de ces panneaux...
On n'a rien contre Decaux en particulier. On souhaite surtout interpeller les pouvoirs publics en nous en prenant au type de panneau que l'on souhaite voir supprimer. Les députés peuvent modifier la loi qui autorise l'installation des "4 par 3". Mais les maires sont aussi responsables puisqu'ils peuvent prendre des arrêtés les interdisant dans leur commune... et pas seulement autour des monuments historiques !
En dégradant les panneaux publicitaires, c'est-à-dire en commettant un acte illégal, vous demandez un changement de la loi sur la pub. N'y a-t-il pas des moyens légaux pour atteindre le même but ?
Tous les moyens légaux pour protester contre l'invasion publicitaire ont échoué. Rien de concret ne se produit. Le dernier recours consiste à s'en prendre directement aux publicités, en assumant individuellement nos actes. C'est une véritable action de désobéissance civile puisque nous la commettons à visages découverts en acceptant l'interpellation de la police. Barbouiller la pub est pour nous un devoir citoyen. Face à une mobilisation contre la publicité, les politiques seront forcés de réagir.
Les Déboulonneurs : Ils dégradent les affiches 4X3
Les Déboulonneurs veulent faire "tomber la pub de son piédestal", en militant pour la suppression de tous les grands panneaux de huit à douze mètres carrés. Leur méthode : le barbouillage de ces "4 par 3". Huit collectifs sont en activité dans les principales villes de France. Le groupe de Lyon, d'une vingtaine de personnes, a déjà conduit six sorties de barbouillage. Celle du 27 janvier dernier, qui s'est déroulée place Kléber (Lyon 6e), leur vaut d'être poursuivis, suite à une plainte déposée par JC Decaux. Un prochain procès est prévu le 4 juin pour une action commise en mai 2005.