Dans le procès du braquage du bureau de change Global Cash, les débats portent toujours autant sur les méthodes policières. Sans avancer.
Au quatrième jour des débats, on n’a pas bien avancé. Les mêmes questions ont été ressassées à chaque fois qu’un membre de la PJ de Lyon s’est avancé à la barre. Pourquoi avoir laissé se perpétrer le braquage ? La police savait-elle que l’objectif visé était le bureau de change Global Cash ? Inlassablement, les enquêteurs répondent non, sans jamais sourciller.
“Avant le braquage, il y a des vols de voitures avec armes, les malfaiteurs positionnent une voiture relais dans le centre de Lyon, et un individu est recherché pour un précédent braquage, qu’est-ce qu’il vous faut d’autre pour interpeller ?” questionne Me David Metaxas.
C’est le commandant Gauchon, retraité depuis peu de l’antigang lyonnais, qui répond : “Maître, je crois que vous vous trompez de procès. Ce n’est pas le procès de la police. Nous travaillons sous l’autorité d’un juge. De chaque acte, les magistrats ont été informés. Si on nous dit “vous les arrêtez pour des vols de voiture”, nous, on exécute. Si vous n’êtes pas content, allez voir le législateur pour changer la loi”, rétorque, cynique, le commandant.
À chaque fois, le même scénario se répète. La défense cherche à convaincre les jurés de la faute majeure de la police d’avoir laissé faire le braquage. Mais les commandants Gauchon, Maisonnette, le capitaine Nerbollier et le commissaire Vançon n’ont jamais vacillé. Ce vendredi, ce sera au tour du commissaire Neyret de se présenter à la barre. Il aura sans doute droit aux mêmes questions.
Doctrine de l’antigang
Mais l’ancien numéro 2 de la PJ de Lyon n’est pas mauvais dans cet exercice d’explication des méthodes policières face à des jurés totalement vierges question procédure pénale. Les célèbres avocats Herzog, Dupont-Moretti et Metzner ont eux aussi, en leur temps, cherché à “accrocher” l’ancien divisionnaire sur ses méthodes. Sans succès.
Plus qu’une méthode, c’est une doctrine spécifique à l’antigang lyonnais, peu répandue dans les BRI parisienne ou marseillaise : laisser faire les braquages et saisir le flagrant délit parfait pour que les malfaiteurs écopent de la peine maximale.
Reste un débat peu exploité. Celui des indicateurs qui ont contribué à la chute de Michel Neyret. "Vous avez surtout de bons indics" a lancé un des accusés au commandant Gauchon qui témoignait devant la cour d'assises. Mais dans le dossier, il n’y a pas traces de ces fameux "tontons" qui renseignent la police. Les hommes de la BRI de Lyon n'ont procédé qu'à des filatures, des surveillances traditionnelles et des écoutes téléphoniques.
Pourtant, les hommes dans le box des accusés sont passés aux aveux en déclarant qu’il y avait un cinquième homme dans le braquage. Selon eux, c’est lui qui a tiré, blessé un automobiliste et pris un otage. Mais, dans ces filatures, cet homme est absent. Il n'est nul part. Ce qui fait dire au président Taillebot, à l'adresse des accusés : "On finit par douter qu'il existe !"
Loi du milieu
“Un monsieur de 38 ans”, dira un accusé. La loi du milieu empêche de donner son nom, par peur des représailles. “Monsieur le président, à Lyon aujourd’hui, il y a des gens qui se font tuer à la kalachnikov ou qui brûlent dans des voitures. Je n’ai personne pour protéger ma famille et je souhaite faire ma peine de prison sans soucis.” Cet individu permettrait pourtant d’innocenter totalement Samir Belghazi, coaccusé dans le braquage, qui nie son implication depuis le début.
L'avocate générale, Fabienne Goget, remarque qu'il "est possible de faire innocenter Samir Belghazi en donnant le nom de ce cinquième homme. Mais vous ne le faites pas !" David Metaxas reprend de volée – "C'est tout sauf un confort, de ne pas donner son nom" – après avoir détaillé les risques qu'encouraient les accusés.
Ce cinquième individu est présenté comme le cerveau de l'opération. Rencontré quelques jours avant le braquage dans un snack, c'est lui qui aurait fourni les armes et le plan pour braquer Global Cash.
Dans les banlieues de Lyon, à Vaulx-en-Velin ou Vénissieux, voire en prison, son nom circule depuis longtemps déjà.