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© Tim Douet

En comparution immédiate à Lyon, les procédures policières questionnées

Ce mercredi 3 mai à Lyon, huit personnes étaient jugées en comparution immédiate après avoir été interpellées lors de la manifestation du 1er-Mai. Les faiblesses de certains dossiers questionnent les avocats.

Ce mercredi 3 mai à 14 h, la salle de comparution immédiate de tribunal judiciaire de Lyon était pleine comme elle l'est rarement. Presse, public, avocats, la tribune était belle pour le procureur adjoint, Alain Grellet, venu porter la voix du procureur de la République, Nicolas Jacquet : "Depuis le 17 mars, nous n'avions jamais assisté à un tel spectacle de désolation, a-t-il lancé en préambule. Je peux vous assurer de toute ma détermination à ce que tous ceux qui s'en sont pris aux policiers puissent être traduits en Justice." Mais cette détermination est-elle aveugle aux procédures et enquêtes policières "saucissonnées" menées en 24 h, alors que 66 personnes avaient été interpellées ce 1er-Mai ? Plusieurs avocats le pensent.

"Le tribunal est extrêmement coulant avec des procédures que les services de police font à la va-vite sans aucune considération pour l'Etat de droit."

Me Olivier Foray, avocat d'une jeune manifestante

Ce mercredi 3 mai, ils sont sept à être jugés à tour de rôle en comparution immédiate. Un dossier, celui d'une militante du collectif Dernière Rénovation, soupçonnée d'avoir jeté un pavé en direction de forces de l'ordre est renvoyé pour surcharge. Cette étudiante en pharmacie, qui avait émis le souhait d'être jugé dans l'immédiat, écope d'un contrôle judiciaire et d'une interdiction de manifester dans l'attente de son jugement en septembre prochain. Vient le tour de deux jeunes femmes, âgées de 18 et 19 ans. Toutes deux étudiantes en première année de droit, l'une habillée en noir aux cheveux roux, l'autre en blanc aux cheveux bruns, elles ne semblent pas réaliser la situation dans laquelle elles se trouvent. Sans casier judiciaire, il leur est reproché d'avoir jeté des ballons de baudruches remplis de matière fécale en direction des forces de l'ordre.

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Le document justifiant l'interpellation, pas signé

Me Olivier Foray, déjà connu pour avoir défendu la Gale, le groupe antifasciste de Lyon et environ, conseil de l'une des deux accusées, plaide la nullité. "Cette procédure a été saucissonnée au plan policier, lance-t-il. Il n'est écrit nulle part que lorsque c'est la manifestation du 1er-Mai, on peut s'asseoir sur le code pénal." Le conseil dénonce au passage "le recours systématique" aux gardes à vue, qui selon lui, "n'a aucun sens". D'autant que dans ce dossier, la jeune femme est placée en garde à vue pour "participation à un groupement en vue de commettre des dégradations", alors qu'elle sera ensuite déférée pour "violences sur personne dépositaire de l'autorité publique". Pis encore, la fiche de mise à disposition de la jeune femme, n'a pas été signée. "Ce dossier, c'est le néant, lance Me Foray. En fait c'est 'jugez mal, parce que moi fonctionnaire de police, je ne vous donne pas les moyens de bien juger'."

"Petit doute, petite peine, cela n'a aucun sens"

D'autant que, le procès verbal de la manifestation indique bien que l'interpellation des deux jeunes femmes a eu lieu après Jean Macé or, dans leur déposition, les fonctionnaires de police indiquent avoir interpellé les accusées au 69 avenue Jean Jaurès, c'est-à-dire, avant la place Jean Macé sur le parcours de la manifestation. En larmes, les deux jeunes femmes seront condamnées à quatre mois de prison avec sursis ainsi qu'une interdiction de manifester pendant un an. Une peine complémentaire qui sera d'ailleurs appliquée dans tous les dossiers liés aux manifestation du 1er-Mai jugés ce jour-là. Si elle est symbolique, cette affaire n'est pas la seule au cours de laquelle la faiblesse des preuves a été pointée du doigt. Agé de 27 ans, cet homme dont le teint traduit la fatigue est soupçonné d'avoir jeté un pavé sur un policier. Un acte ayant blessé le fonctionnaire qui s'est vu délivrer deux jours d'ITT.

Un membre du bloc jugé

Vêtu d'une surchemise claire à carreaux - c'est elle qui l'a trahi dans la masse noire du bloc -, par dessus laquelle il avait enfilé un imperméable noir, un cache cou et un masque, il ne fait peu de doute quant à son profil qu'il ne cache pas vraiment. "J'avais un parapluie pour protéger les manifestants des projectiles", assure-t-il, laissant penser que le dit parapluie était aussi là pour se protéger des drones dont la police faisait usage ce jour-là. L'étudiant en sciences cognitives a également bloqué son téléphone en garde à vue, pour que les policiers n'y accèdent pas.

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C'est l'un des rares profils qui semble véritablement rodé aux manifestations dans le bloc à comparaître depuis le début du mouvement social. "Ce monsieur fait partie de la mouvance, il le dit, il était derrière cette banderole du cortège de tête qui fait office de protection, appuie Me Bohé, avocat des policiers. Il a pu être attrapé parce qu'il a trébuché." Pourtant, l'étudiant n'écopera pas de prison ferme, le tribunal ne suivant pas les réquisitions du procureur. Les magistrats le condamnent à huit mois avec sursis et une interdiction de manifester d'un an, alors que le ministère public avait requis à son encontre quatre mois ferme.

Des droits notifiés 14 h après l'interpellation

C'est que, en droit, le soupçon ne suffit pas. Et si tout converge, les preuves factuelles manquent. "Je dois m'agacer, mais dans ce dossier on nous donne des éléments généraux de contexte de la manifestation, des photos du Monoprix dégradé. On pollue le dossier avec des choses qui ne sont pas liées à cette personne en particulier", déplore la conseil du manifestant. De surcroît, il aura fallut attendre 14 h après son interpellation pour que l'étudiant se voit notifier ses droits. "On a affaire à des procédures bâclées, appuie la conseil. On me parle de vidéos inexploitables, très bien mais moi je n'y ai pas eu accès à ces vidéos, je ne peux pas savoir si elles étaient exploitables pour mon client ou non." Dans chaque dossier, aucune vidéo n'est jamais venue appuyer les déclarations des policiers. Me Bohé conseil des policiers tente : "Je tiens à rappeler qu'une caméra est faillible et que les témoignages, la vue humaine, est plus importante."

"Il suffit d'une déposition concordante de deux fonctionnaires de police dont on voit qu'elles ont été prises l'une à la suite de l'autre en 10 minutes", déplore Me Sarah Juste. "Cette après-midi, c'était petit doute, petite peine, cela n'a aucun sens", lance, très agacée, une avocate après les délibérés et alors que soleil se couche. "Les peines prononcées peuvent paraître mesurées, détaille Me Foray. Mais elles sont en fait totalement disproportionnées par rapport aux faits qui sont reprochés. Le tribunal est extrêmement coulant avec des procédures que les services de police font à la va vite sans aucune considération pour l'état de droit, conclut le conseil, qui compte faire appel de la décision du tribunal."

Faiblesse des dossiers ou non, le procureur adjoint ne répond pas sur le fond. Dans son rôle, Alain Grellet estime que "les prévenus qui comparaissent aujourd'hui ont été des citoyens manifestants, ils sont devenus des citoyens délinquants jugés par l'Etat de droit".

Le détail des peines retenues par le tribunal à l'encontre des huit manifestants jugés ce mercredi : 1er-Mai : trois à dix mois de prison avec sursis pour les prévenus

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