Évadés de Moulins: scènes surréalistes pour le verdict

5 ans d’emprisonnement pour les trois complices, Sylvie P., Nadia K. et Eugène B., et 15 ans pour les évadés Omar T. et Christophe K. Voilà le verdict dans l’affaire des évadés de Moulins. Un verdict que les principaux accusés ont refusé d’entendre.

Jusqu’au bout le procès des évadés de Moulins aura eu sa dose de rebondissements. Jeudi matin, la parole était donnée aux accusés, derniers à parler avant que le jury ne se retire pour délibérer. Si Nadia K et Sylvie P. ont évoqué leurs regrets, Eugène B. s’est montré plus vindicatif : “Heureusement que la République ne ressemble pas à ses prisons, elle serait dégueulasse.” Et, s’adressant aux jurés : “On assume nos peines, mais est-ce que vous, vous assumerez vos condamnations ?”

Omar T. expulsé

C’est ensuite le tour d’Omar T. de s’exprimer une dernière fois devant la cour. Et, comme ce fut le cas la semaine dernière, il a gratifié le tribunal d’une véritable litanie. Un très long monologue loin de le mettre en valeur, dans lequel il raconte, entre autres, qu’il a “écrasé deux policiers” ou “explosé des voitures sur le périph’ parce qu’elles n’allaient pas assez vite”. Son avocate tente de le freiner par un geste. “Je fais ce que je veux”, lui répond-il du tac au tac.

Ce n’est qu’au bout de 45 minutes que le président intervient en l’invitant “à synthétiser”. “Moi, je prends mon temps”, rétorque Omar T. au magistrat en reprenant son histoire où il l’avait laissée. S’ensuit un dialogue hallucinant.

Le juge : “Je vous donne 10 minutes.”

Omar T. : “On n’est pas à l’école, là ! Les gens veulent entendre mon histoire ! Ce n’est pas vous qui me jugez, c’est le peuple français !”

Le juge : “Regardez le cadran M. T., vous avez 10 minutes.”

Omar T. : “Ouais ouais, garde la pêche…”

Dans la salle, Omar T. a des supporters. Et chacune de ses tirades est accueillie par des exclamations et des applaudissements. Le juge demande à tout le monde de se calmer et les policiers présents dans la salle s’approchent des personnes qui s’agitent. Les 10 minutes passées, Omar T. est sommé d’arrêter là son histoire, il refuse et s’énerve, enflammé par le soutien qu’il perçoit d’une partie du public. Il se fera finalement expulser du box des accusés.

L’émotion de Christophe K.

Comme si rien ne s’était déroulé de particulier, le président du tribunal demande à Christophe K. s’il veut s’exprimer une dernière fois avant les délibérations du jury. L’accusé se lève, apparemment atteint par ce qui vient de se passer, et commence par parler de celui qui vient d’être mis dehors : “On n’a pas tous les mêmes capacités. Monsieur T. est désespéré, et son désespoir, il le sort à sa manière.” Visiblement ému, il ajoute : “Sans moi, il ne serait pas là.”

Il s’adresse aux jurés : “Les décisions que vous allez prendre, elles ont un impact, pas sur moi, mais sur les gens qui me soutiennent.”

“Je ne veux pas vous parler des conditions de vie en détention, on en a assez parlé pendant ce procès. Je vais vous parler d’amis à moi.” Il raconte notamment l’histoire d’un certain Fredo. Un homme rencontré au début de son enfermement et qui, comme lui, est condamné à une longue peine. Il décrit un homme fringant, qui prend soin de lui et qui l’encourage à tenir le coup, à ne pas baisser les bras. Cette rencontre lui donnera du courage. Quelques années plus tard, au détour d’un changement de prison, il croise un homme courbé, au visage émacié. C’est à sa voix qu’il reconnaît Fredo. Un Fredo qui a laissé tomber. “L’espoir est un poison”, dira alors Christophe K. à la cour.

S’adressant aux jurés et aux magistrats, l’accusé a cette ultime phrase : “Si vous me laissez en prison, je vous promets, je vais briser tout ce qu’il y a de meilleur en moi, pour devenir celui que vous pensez que je suis.”

Des bancs vides et des parties civiles dans le couloir

À 16h, le verdict doit être rendu. Le public entre dans la salle. Mais… surprise. Il n’est plus possible d’accéder aux bancs. Seules les parties civiles sont autorisées à s’asseoir. Sur les trois rangées de bancs, donc, seule celle du milieu est remplie. Les proches des accusés, le public et les journalistes sont donc priés de rester debout au fond de la salle. Décision du juge.

La cour fait son entrée et les accusés entrent dans leur box. Là encore, il y a un problème. Omar T. et Christophe K. refusent de rentrer. Maître Ripert, avocat de Christophe K., s’insurge contre le fait que tout le monde soit debout à l’exception des parties civiles. Le juge décide alors que tout le monde sera debout dans le fond de la salle et demande à l’huissier de présenter une sommation aux deux évadés pour qu’ils rentrent dans le box.

45 minutes plus tard, l’audience reprend, dans une ambiance surréaliste. La cour siège devant trois rangées de bancs vides, et les accusés ne sont plus que trois car Christophe K. et Omar T. refusent toujours de revenir. Les parties civiles sont restées dans le couloir et le public s’entasse au fond de la salle.

C’est dans cette drôle d’ambiance que le verdict tombe. Pour les complices Sylvie P., Nadia K. et Eugène B., 5 ans d’emprisonnement. Ce qui signifie, pour les deux femmes, qu’elles seront libérées dans 10 jours (puisqu’elles étaient en détention depuis 2009), et pour Eugène B., qu’il poursuivra sa peine initiale. Pour Christophe K. et Omar T., c’est 15 années d’emprisonnement, qui s'ajoutent à leur peine initiale. Christophe K. devait initialement sortir en 2037, il ne retrouvera finalement la liberté qu’en 2052.

Les évadés de Moulins et leurs complices ont 10 jours pour faire appel de cette décision.

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