En juin 2010, le Bourguignon Sébastien Wanke, second maître de 32 ans, se suicide à bord de la frégate La Fayette. Son commandant de bord comparaît le 26 octobre devant la cour d’appel d’Aix pour “harcèlement moral”.
Le maître d’hôtel Sébastien Wanke a vécu un calvaire psychologique qui l’a poussé à mettre fin à ses jours. Ainsi pourrait se résumer le jugement rendu en janvier 2014 par le tribunal de Marseille, sanctionnant le premier cas de harcèlement moral relevé dans la Marine nationale.
Le 26 octobre prochain, l’ancien commandant du La Fayette comparaîtra devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence pour tenter de faire annuler cette sanction d’un an de prison avec sursis qui marque désormais l’histoire de la Royale. Car Éric Delepoulle persiste à nier qu’il ait pu par ses agissements être à l’origine du drame. Le 15 juin 2010 au matin, le corps du second-maître originaire de Buxy était découvert pendu dans le coqueron, petit local situé à l’avant de cette frégate furtive où sont entreposées les bouteilles d’alcool.
“Ce qui compte, c’est sa personne, ses étoiles, sa carrière, et il est prêt à passer outre la résistance de ses hommes pour réussir”
“Je n’ai pas le souvenir d’avoir été particulièrement dur et désobligeant à l’égard de Sébastien Wanke”, affirme le pacha du bord aux enquêteurs de la Gendarmerie venus l’interroger. Mais de nombreux témoignages de marins et d’officiers démontrent le contraire. Le médecin du La Fayette décrit ainsi le commandant comme un homme “imbu de sa personne” : “Il se prend pour Dieu à bord, développe-t-il. Ce qui compte, c’est sa personne, ses étoiles, sa carrière, et il est prêt à passer outre la résistance de ses hommes pour réussir.”
Me Jean-Jacques Rinck défend les intérêts des parties civiles. Pour l’avocat lyonnais, “le commandant usait et abusait aveuglément de son pouvoir absolu de commandant de bord, comme un véritable tyran, tant vis-à-vis de son personnel que de celui qui vit à sa proximité immédiate, son maître d’hôtel”.
L’enquête interne conclura à l’absence de faute de commandement
Le pacha ne semble jamais satisfait, modifie inlassablement les plans de table, multiplie les reproches, s’accroche à de minuscules détails qui pourrissent l’univers de Sébastien. Lequel vit là une sorte de persécution. Une mauvaise notation et une appréciation dévalorisante sur la qualité de son engagement dans le travail achèvent de saper le moral d’un homme fragilisé, provoquant de facto son passage à l’acte.
Pourtant, l’enquête interne menée à la suite des faits conclura à l’absence de faute de commandement pouvant avoir un lien de cause à effet avec le décès du second maître. La volonté d’excellence du commandant Delepoulle et son “légitime niveau d’exigence” sont même loués par ses supérieurs. La justice n’a manifestement pas jusqu’ici la même vision du dossier.