Le procès de Jamel Leulmi a débuté ce lundi après-midi devant la cour d’assises de l’Essonne. Cet homme âgé de 36 ans est accusé d’assassinat sur son épouse, de complicité de tentative d’assassinat sur une ex-maîtresse et d’escroquerie à l’assurance-vie. “Je clame mon innocence devant vous”, a affirmé cet enseignant à “la personnalité énigmatique”.
Jamel Leulmi est fidèle à son image : plutôt bel homme, il porte une chemise rose pâle et un pantalon noir dans le box des accusés. La barbe de trois jours a disparu, son crâne brille comme un sou neuf. Il peut plaire aux femmes. Et il clame son innocence, de nouveau, "aujourd’hui comme depuis la genèse des événements", indique-t-il, d’une voix assurée, à propos des faits qui lui sont reprochés. La présidente l’invite alors à parler de son parcours de vie.
Une famille soudée, une enfance heureuse
D’une famille originaire d’Algérie, il vit une enfance plutôt heureuse. Son père est ouvrier, sa mère reste au foyer pour élever ses six enfants. "Mon père m’a appris la valeur du travail, de la France et de la république", explique l’accusé. Il est le chouchou de sa maman, selon ses propres termes. Tout le monde s'entend parfaitement bien, à l'écouter. "J’ai eu une scolarité pour le moins brillante", affirme Jamel Leulmi, visiblement fier de lui-même. Déjà, apparaît un jeune homme séducteur : "Au lycée, j’ai intégré un groupe de quartier, j’étais un peu le don Juan", confie-t-il à l’enquêtrice de personnalité, venue témoigner à la barre. Plus tard, le jeune homme devient professeur de génie et commence à enseigner en 2004 à Caen puis revient en région parisienne. Il fait face, notamment, à des difficultés d’intégration ou face à l’autorité.
Trois femmes dans sa vie... et des conquêtes
Ces relations amoureuses sont peu développées par la présidente, car elles feront l’objet d’un débat plus important cette semaine. On apprend cependant que trois femmes ont compté dans sa vie : Stéphanie, sa première relation, Céline D., son actuelle compagne, qu’il connaît depuis plusieurs années, et sa femme décédée, Kathlyn. Après le décès de cette dernière, en 2007, il multiplie les arrêts maladie pour dépression. Ce qui ne l'empêche pas, aussi, de multiplier les conquêtes et de fréquenter les clubs libertins. "J’ai tenté de me suicider dans une salle de classe en absorbant des médicaments", relate-t-il, en situant son geste en janvier 2009, à l’approche de la "commémoration de la mort de mon âme sœur". Leulmi se reprend aussitôt : "de mon épouse, pardon, madame la présidente". Il parle de "la femme de sa vie", seulement leur liaison est demeurée secrète, même après son mariage. Il l’explique par des contraintes familiales, ses parents qui n’acceptaient pas vraiment cette union.
“Je suis persuadée de la culpabilité de Jamel dans la mort de ma fille”
En face, la mère de Kathlyn, installée dans le sud de la France, confirme que sa fille "était vraiment amoureuse de Jamel, elle tenait beaucoup au mariage", décrit-elle avec dignité aux journalistes en marge de l'audience. C’est seulement en juillet 2006 que Kathlyn avoue sa liaison à sa famille, une relation qui a débuté en 2005. "Je ne doute pas de la culpabilité de Jamel", dit-elle d’une voix convaincue. Elle est persuadée que Jamel est responsable de l'accident de sa fille en 2007.
Après le décès de Kathlyn, Jamel Leulmi s’installe chez Céline D. "Il pleurait, il revivait la scène, il avait des terreurs nocturnes", relate l’enquêtrice de personnalité à la cour, faits qu’elle a recueillis pendant ses entretiens avec le jeune homme.
“La prison, un enfer”
La présidente évoque aussi les conditions de détention de Jamel Leulmi, incarcéré depuis août 2010 à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. "Un cauchemar, un enfer, s’exclame-t-il. J’étais le tueur de femmes." Le rapport de la prison lu par la présidente présente, au contraire, de bonnes conditions et un Jamel Leulmi qui suscitait de l’admiration de la part des autres détenus. Me Dupond-Moretti, resté jusqu’à l’heure dans une certaine réserve, prend la parole et conteste ce type de rapport : "Il y a 110 suicides par an à Fleury-Mérogis", lance-t-il, comme un élément de doute.
Pourtant, la conclusion de l’enquêtrice de personnalité est cinglante pour son client. "Docteur Jekyll et Mr Hyde", "Jamel, soit on l’aime, soit on ne l’aime pas", évoque la conclusion, pour s’achever ainsi : "Une personnalité énigmatique, une emprise sur les femmes, son comportement mérite en effet qu’on s’interroge"…
Dès ce mardi, la famille et les proches de Jamel sont appelés à témoigner. La plongée dans la vie de cette "personne complexe" ne fait que commencer.