Rhônexpress
© Mr. Ibou

L’affaire Rhônexpress renvoyée en correctionnelle

L’affaire politico-financière concernant d’étranges interventions occultes dans la construction du tram Rhônexpress est arrivée à son terme, cinq ans après les premières investigations. Le 26 janvier dernier, la juge d’instruction lyonnaise Catherine Chanez a décidé le renvoi devant le tribunal correctionnel d’un dossier qui fut alors tentaculaire et se retrouve réduit à peau de chagrin. Explications.

La navette Rhônexpress, qui fait la liaison entre la gare de la Part-Dieu et l’aéroport Saint-Exupéry © DR

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La navette Rhônexpress, qui fait la liaison entre la gare de la Part-Dieu et l’aéroport Saint-Exupéry.

Quelque peu oubliée aujourd'hui, l'affaire Rhônexpress avait empoisonné la vie du conseil général du Rhône, de la chambre de commerce et d'industrie de Lyon et de la société Aéroports de Lyon.

Classement sans suite

La justice lyonnaise s'était penchée un temps sur les conditions d'attribution, par le conseil général du Rhône, du marché de liaison rapide entre le centre de Lyon et l'aéroport Saint-Exupéry, l'actuel tram Rhônexpress. Des accusations de financement politique occulte (jamais démontré) en marge du contrat Rhônexpress avaient été portées à l'époque par divers protagonistes du dossier, visant à ce titre l'ancien président du conseil général du Rhône, Michel Mercier.

Michel Mercier en mars 2012 © Tim Douet

© Tim Douet
Michel Mercier.

Ce volet avait été opportunément classé sans suite quelques heures seulement avant la nomination de M. Mercier comme ministre de la Justice, en novembre 2010, obligeant ce dernier à se justifier tout au long du dernier remaniement ministériel de l'ère Sarkozy.

Lobbying occulte

Dès lors, les juges se sont concentrés sur la partie du dossier qui mettait au jour un lobbying occulte lors de la phase d'enquête publique de cette nouvelle ligne de transport dans le but de faire échouer le tracé du tram décidé par le département du Rhône. Le commissaire-enquêteur avait effectivement émis un avis défavorable au tracé décidé par le conseil général, qui a néanmoins maintenu son choix initial.

Guy Mathiolon © DR

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Guy Mathiolon.

Ce lobbying a été réalisé par un curieux personnage qui élisait domicile en Thaïlande, Yann Gaillard. Ce dernier a affirmé que ce projet avait été réalisé en concertation avec Guy Mathiolon, président de la CCI de Lyon de 2007 à 2011.

Gaillard fera établir plusieurs factures censées rémunérer ce travail de lobbying, sans bon de commande, ni appel d'offres. Ces factures étaient adressées à la CCI de Lyon et à la société Aéroports de Lyon, dont le conseil de surveillance de l'époque était présidé par Guy Mathiolon.

Gaillard affirmait que c'était Guy Mathiolon qui lui avait confié la mission de faire modifier le tracé du Rhônexpress. Devant les policiers, Mathiolon a toujours contesté les propos de Gaillard. Mais son directeur général de l'époque, Yves Guyon, avait infirmé les déclarations de M. Mathiolon lors d'une confrontation organisée dans les locaux de la brigade financière de la PJ le 8 décembre 2011.

Abus de bien social

Un chèque de 29 900 euros sera finalement adressé à Yann Gaillard. Mais ce financement est venu de la société d'Yvan Patet, EM2C. Ce dernier a joué les intermédiaires entre Mathiolon et Gaillard, en organisant une rencontre afin de trouver une solution aux paiements des prestations du lobbyiste. À l'époque, M. Patet est président du LOU Rugby, dont M. Mathiolon est actionnaire à hauteur de 25 %.

La solution retenue aurait été de rémunérer Gaillard via la société EM2C, sur la base d'un contrat d'assistance fictif.

La juge d'instruction a donc décidé le renvoi devant le tribunal correctionnel d’Yvan Patet, pour abus de bien social, et de Yann Gaillard pour le recel de ce délit.

Les faits de détournement de fonds publics n'ont pas été retenus à l'encontre de Guy Mathiolon, ni même la complicité d'abus de bien social. M. Mathiolon bénéficie d'un non-lieu, même si la juge porte une appréciation très dure sur le comportement de l'ancien président de la CCI.

Non-lieu pour Mathiolon

Car la solution de rémunérer Gaillard par l'intermédiaire d'un tiers (la société d'Yvan Patet, en l'occurrence) permettait d'éviter un financement via la CCI, ce qui aurait pu caractériser un détournement de fonds publics. Mais la solution d'opérer une transaction financière grâce à M. Patet, qui aurait ainsi joué les facilitateurs, aurait été soufflée par Guy Mathiolon, selon les dires de Yann Gaillard. Version que retient d'ailleurs le magistrat instructeur dans son ordonnance de renvoi.

Le non-lieu de "Guy Mathiolon (...) ne saurait faire perdre à cette remise de fonds totalement injustifiée et contraire aux intérêts de la SAS EM2C sa qualification d'abus de biens sociaux, [Guy Mathiolon], même sans avoir commis d'infraction, ayant pu trouver intérêt à éviter un tapage, médiatique ou non, nécessairement contraire à ses intérêts personnels et professionnels et en avoir fait part à Yvan Patet, même sans lui demander formellement de procéder au paiement".

À la lecture de ce passage de l'ordonnance de la juge d'instruction, on se dit que Guy Mathiolon a évité le renvoi devant le tribunal correctionnel pour "complicité d'abus de bien social" d'un cheveu.

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