Le spectaculaire braquage du Global Cash, le 24 septembre 2010, en plein jour et devant des centaines de badauds médusés, est jugé devant la cour d’assises du Rhône à partir de ce lundi 15 septembre. Rappel des faits, et de la polémique sur les méthodes du commissaire Neyret et de l'antigang lyonnais.
Comment le braquage du Global Cash, dans l’après-midi du 24 septembre 2010, en plein cœur de Lyon et devant des centaines de personnes, a-t-il pu avoir lieu ? La question a ses présupposés. Car il s’agit non seulement de savoir comment et pourquoi une bande de jeunes gens dont certains avaient 20 ans au moment des faits ont pu commettre un tel crime, mais également de comprendre pourquoi la police a laissé faire.
170 000 euros et un otage
Ils seront 6 dans le box des accusés, à répondre des chefs de “vol à main armée en bande organisée” et “association de malfaiteurs” pour ce braquage hors norme. Certains d’entre eux ont des casiers judiciaires très lourds, avec parfois plus de quinze condamnations.
Le préjudice s’élève à 170 000 euros. Dans leur fuite, les individus, lourdement armés, ont embarqué un otage, tiré plusieurs coups de feu pour se frayer un passage dans le flot de la circulation. Une balle a atteint un automobiliste, le blessant grièvement à la jambe.
Filatures
Marc Désert, le procureur de la République de l’époque, avait indiqué aux journalistes que l’interpellation des auteurs du vol n’était qu’une question de temps. Et pour cause. Au moment des faits, la brigade de recherche et d’intervention (BRI) de la PJ de Lyon, l’antigang, surveillait l’équipe de braqueurs depuis plus de vingt jours.
C’est précisément le 31 août 2010 que les hommes de la BRI commencent à pister cette équipe, dans le cadre d’une enquête distincte de “vol à main armée en bande organisée et séquestration”, instruite par la juge d’instruction Agnès Vadrot.
Les enquêteurs de la BRI vont alors assister à des séries de va-et-vient nocturnes entre Lyon, Chambéry, Besançon, la frontière franco-suisse et des petites villes du Jura ou de Savoie. L’équipe de braqueurs s’installait au bord des autoroutes pour repérer des grosses cylindrées, derrière lesquelles ils s’engageaient à vive allure pour perpétrer des car-jackings. Ces filatures vont durer 24 jours, jusqu’au braquage de Global Cash.
Surveillance minute par minute
La veille du braquage, l’antigang surveillait les lieux de repli habituels des malfrats : la rue Jean-Voillot à Villeurbanne et l’entrée d’un parking souterrain située rue de la Pagère à Bron. Une BMW conduite par les suspects en est sortie pour être stationnée une heure plus tard rue de la Poudrière (Lyon 4e).
La pièce D1 du dossier est extrêmement précieuse pour comprendre ce qui s’est passé le jour du vol à main armée. Un procès-verbal d’une dizaine de pages résume le déroulement minute par minute des opérations de surveillance effectuées par la BRI le 24 septembre 2010, jour du braquage. Extrait :
“À 14h25, la RENAULT MEGANE, occupée par ces 6 individus, quittait le 139 rue Jean VOILLOT et pénétrait à 14h30 dans le parking souterrain du 5/7 rue de la PAGERE.
– À 14h35, la MEGANE ressortait du parking souterrain.
– À 14h55, le véhicule MERCEDES E500 (...) sortait à son tour du parking souterrain. Le chauffeur ne pouvait être identifié. Le nombre d’individus ne pouvait être déterminé, des individus étant allongés à l’avant et à l’arrière. La MERCEDES empruntait le périphérique en direction du Nord puis le quittait à la Porte de Saint-Clair avant de s’engager sur les quais du Rhône en direction du centre-ville à grande vitesse. Il était perdu quai LASSAGNE.
– À 15h10, la B.R.I. était avisée de la commission du VOL AVEC ARME au bureau de change GLOBAL CASH.”
Polémique
L’antigang voit ensuite arriver l’équipe de braqueurs rue de la Poudrière, là même où la veille ils avaient laissé une BMW. La Mercedes sera incendiée et ils s’enfuiront dans l’autre voiture. Ni avant ni après le braquage, la police n’est intervenue pour arrêter les malfaiteurs. Le dispositif de surveillance se poursuivra jusqu’à 1h du matin. Les premières interpellations auront lieu le lendemain.
Mais la polémique enfle lorsque la presse apprend que l’antigang a perdu les braqueurs alors que la PJ savait qu’ils allaient commettre un méfait. Michel Neyret, à l’époque numéro 2 de la PJ de Lyon, s’est justifié en expliquant qu’il attendait le flagrant délit pour les coincer.
Pourtant, l’article 311-13 du Code pénal punit la tentative de vol à main armée en bande organisée des mêmes peines que celles encourues pour un vol réellement effectué. Tentative ou vol, ça revient donc au même. Michel Neyret viendra répondre de ces méthodes à la barre de la cour d'assises.
Les prévenus, dont certains sont en état de récidive, encourent trente ans de réclusion criminelle et 150 000 euros d’amende.