Jugé vendredi dernier pour avoir importé d’Algérie 63 kilos de résine de cannabis, il comparaissait libre à son procès. Il a été renvoyé en prison par la 16e chambre du tribunal correctionnel de Lyon.
Monsieur T est un homme sans histoires. Peintre en bâtiment, il travaille pour joindre les deux bouts. Multiplie les missions d’intérim. Entre deux contrats ou lorsque l’envie lui prend, Monsieur T charge sa voiture puis file sur l’autoroute du Soleil. Direction le port de Marseille, pour embarquer vers l’Algérie. En novembre 2013, alors qu’il revenait d’un séjour de plusieurs mois, Monsieur T est contrôlé par les douanes à Marseille à sa descente de l’El Djazaïr, le bateau qui fait la liaison Marseille-Alger.
127 000 euros
63 kilos de résine de cannabis sont retrouvés dans sa voiture, logés sous le véhicule. Le réservoir d’essence a été bricolé afin d’accueillir les produits stupéfiants. Valeur de la marchandise : 127 000 euros. Si Monsieur T est un homme sans histoires, il vit dans un quartier à histoires. Des caïds de cité de l’Est lyonnais avaient repéré ce gars à l’air honnête qui faisait régulièrement le trajet vers l’Algérie. “Comment j’ai été contacté pour faire ce voyage ? Dans le quartier, on me voyait souvent charger des voitures. Les gens savaient que j’allais souvent au bled”, a expliqué Monsieur T devant la 16e chambre du tribunal correctionnel de Lyon.
Alors, des “caïds de Vaulx-en-Velin” sont venus lui proposer de faire la mule et d’importer plusieurs kilos de cannabis d’Algérie. Un circuit d’approvisionnement inhabituel de la part de trafiquants qui préfèrent faire la remontée vers Lyon depuis le Maroc et l’Espagne dans des voitures de grosses cylindrées. Les fameux go-fast.
En Algérie, Monsieur T devait remettre le véhicule à un homme qu’il ne connaissait pas. Et, à son retour, les trafiquants l’attendraient à Marseille. Mais il ne connaissait ni la quantité de stupéfiants ni l’endroit où la drogue était cachée. Il ne dira jamais rien sur ceux qui l'ont choisi, par crainte des représailles.
Go-slow
Avec sa mine de travailleur honnête et de bon père de famille destinée à éteindre tout soupçon, Monsieur T a procédé à un go-slow, ou go-soft, pour passer à travers les mailles du filet. C’est justement ce qui agace le président de la 16e chambre correctionnelle, Jean-Hugues Gay, devant qui atterrissent les dossiers de criminalité les plus lourds, notamment les enquêtes bouclées par la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) en charge de la criminalité organisée.
Pablo Escobar sans moustache
M. Gay rappelle d’abord les manquements du ministère public, en s’étonnant de l’absence de la qualification d’association de malfaiteurs dans le dossier : “Est-ce un oubli de votre part, monsieur le procureur ? Parce qu’elle y est, l’association de malfaiteurs.” Réponse amusée du procureur : “Sûrement.”
Puis, à l’adresse du prévenu : “Il y a un côté Bisounours dans votre récit. Vous avez la tête du bon gars. Normalement, votre affaire, c’est la JIRS. Tout y est. Alors, est-ce qu’on a affaire à un Pablo Escobar qui se serait rasé la moustache ou êtes-vous un brave homme conduit devant nous par une sorte de déterminisme, du fait d’habiter dans des quartiers difficiles ?” s’interroge le président.
Monsieur T devait toucher 10 000 euros pour le voyage. “Je n’ai pas été payé encore”, répond-il. Le président reprend de volée : “Vous faites le service après-vente. Si vous ne dites rien, vous allez les toucher ? Vous êtes un contre-feu pour éteindre les investigations. Car, si association de malfaiteurs il y a, elle peut encore se manifester !”
Renvoyé en prison
Le procureur de la République, qui a requis quatre ans de prison, a rappelé que la référence au bon père de famille permettant d’éviter les soupçons était la méthode régulière de la mafia italienne. Dans ce dossier de 63 kilos de cannabis, le prévenu comparaissait libre à la barre du tribunal. Il avait été remis en liberté après huit mois de détention provisoire. Son avocat, David Metaxas, “a conscience que huit mois pour 63 kilos, ça fait un peu court. Il ne connaissait pas du tout la quantité de produits importés, ce qui relativise sa responsabilité pénale. Alors, faut-il nécessairement que cet homme se retrouve en détention ?”
Oui, a répondu le tribunal, et même de façon immédiate : Monsieur T a été condamné à une peine de quatre ans de prison assortie de deux ans de sursis avec mise à l’épreuve et d’une amende de 127 000 euros. Le tribunal a ordonné un mandat de dépôt, renvoyant “le bon gars” illico en prison.
Slim , j t'aime bien mais suivre les procés au TGI ne veux pas dire être juriste, et être avocat et/ou magistrat ne veux pas dire être bon jursite . Tu confonds les crimes et les délits : je te site -- A la 16 eme chbre chez le Président Gay atterissent les dossiers de criminalité les plus lourds c'est faux c'est une erreur de Droit : crime = Cr d'Assises ; délit = Tribunal Correctionnel : les Jris = Crime et/ou Délit et non chez Mr le Président Gay mais au pôle d'instruction de la Jirs
En ce qui concerne la passe d'arme entre Mr Gay et le Proc sur l'asso de malfaiteur , le Proc a eu raison de ne pas retenir l'infraction dite isolée l'asso de malf déjà trés difficile à caractérisser et Mr. Gay a tort juridiquement d'ailleurs qd cette derniére est caractérisée il relaxe sur ce chef de prévention... Dire à l'audience et prouver sont deux choses différentes . Bref ...
jarod, si vous m'aimez bien c'est que l'on se connaît un peu. c'est un bon début. Mais il ne vous a pas échappé que Lyon Capitale n'était pas le 'répertoire de droit pénal' des éditions Dalloz. Criminalité est employée en un sens générique et on ne cherche pas à décliner les trois classes d'infractions qui existent en droit pénal français. Idem lorsqu'on dit que la JIRS s'occupe de la criminalité organisée, c'est générique. cette juridiction n'a pas pour vocation de mettre en accusation pour les
... assises. Enfin sur l'association de malfaiteurs. c'est un débat sans fin. Pour les uns c'est une incrimination fourre tout qui permet de caractériser tout et n'importe quoi facilement, notamment en matière terroriste. Il suffit que trois voyous aient imaginé passer à l'acte pour caractériser une association de malfaiteurs. Pour d'autres, cette incrimination est difficile à établir, et pour cause!!! les magistrats et le ministère public l'utilisent à tort et à travers....
... du coup, devant les juridictions de jugement, ça passe pas. et notamment à la 16e chambre, chez le juge Gay, par ailleurs assez remarquable dans ses tenues d'audience. Merci Jarod et n'hésitez pas de continuer de poster des commentaires si pertinents, ça permet de débattre et de continuer de faire vivre des sujets, des articles, des problématiques essentielles, notamment celle d'association de malfaiteurs qui est un vrai sujet.Slim Mazni