Une nouvelle page Facebook “MDR o Baumettes” a été créée ce lundi soir. Le jour même, La Provence révélait que l’administration pénitentiaire avait demandé récemment la fermeture d’une page éponyme ouverte par les détenus de la prison marseillaise. “Un pied de nez à l’administration pénitentiaire”, selon Bruno, ancien détenu aux Baumettes.
(Article actualisé à 15h20)
Sur cette nouvelle page, les détenus s'exhibent en cellule, avec une liasse de billets de 50 euros et des téléphones portables dernier cri. La page présente deux clichés : un homme encagoulé avec une veste de jogging siglé aux couleurs de l'OL et un photo-montage présentant plusieurs détenus, toujours avec des liasses de billets de 50 euros. Certains prisonniers, regroupés, en promenade, affichent avec leurs mains le V de la victoire.
Or, cette page est un “fake”, c'est-à-dire un faux compte. L'individu sur la photo n'est pas détenu aux Baumettes mais au centre de détention de Roanne. Le cliché a été récupéré sur le site du Progrès. Elle illustre un article, publié en juin 2014, sur un prisonnier qui s'était amusé à publier des selfies sur un compte intitulé “Salem Salem”. L'individu est âgé de 26 ans. Selon nos confrères, il a été identifié grâce à un des clichés où il apparaît à visage découvert.
La première page, celle-ci bien authentique, intitulée “MDR o Baumettes” (comprendre “Mort de rire aux Baumettes”) a fait rire jaune les surveillants du centre de détention, qui en ont profité pour dénoncer leurs conditions de travail. "Quand on voit ça, on est démoralisés, regrette David Cucchieti, secrétaire local de la CGT pénitentiaire. Les surveillants vont être montrés du doigt alors qu'on ne peut rien faire. On est tellement en manque de personnel... On est surmenés." Avec ses 140 % de surpopulation, Thierry, surveillant, interrogé sur Sud Radio, insistait : "On vit dans un milieu de violence, violence entre détenus mais aussi envers les surveillants."
Petits arrangements entre surveillants et détenus
Bruno, 55 ans, est lui un ancien détenu des Baumettes. Il y a passé 3 mois et 19 jours en détention provisoire, il y a deux ans.
"Tout est affaire de petits arrangements. La direction veut organiser une coexistence pacifique et laisse faire. C'est pourquoi on retrouve des billets... Comment survivre dans une prison ? En trouvant des soutiens, notamment avec des surveillants. Ceux-ci veulent la paix, et, avec le manque de moyens, ils acceptent des arrangements. Car la prison, ce n'est pas le Club Med. Cette page Facebook, c'est un bras d'honneur à l'administration pénitentiaire. Ces jeunes se moquent de vous", explique Bruno.
L'homme, auteur d'un blog sur les prisons, rappelle la surpopulation carcérale, le nombre élevé de suicides en prison, les maladies mentales apparaissant chez certains détenus. Il reconnaît aussi l'humanité de certains surveillants. "Hélas, cela ne fait pas partie de leur cahier des charges", admet-il. Il rappelle l'univers extrêmement fermé du milieu carcéral : "Tout est clos, rien ne sort, la voix même des détenus est totalement muselée", avance-t-il comme pour expliquer cette page, la communication pouvant passer facilement par les réseaux sociaux. Tout en saluant le rôle du contrôleur général des lieux de privation de liberté, notamment celui de Jean-Marie Delarue.