procès Valentin
©Dessin Christophe Busti

Me Berton, avocat de Moitoiret : “Lyon, la cour des aliénés”

Me Delarue et Me Berton se sont succédé pour plaider en faveur de Stéphane Moitoiret. Dans un style différent, ils ont demandé à la cour de prononcer l’irresponsabilité de leur client, accusé du meurtre du petit Valentin Crémault.

procès Valentin ()

©Dessin Christophe Busti

Me Delarue se lève le premier. Il est grand, chevelure blanche, voix aristocratique, distincte. Le bien élevé des deux avocats. Pendant plus de deux heures, en alternant intelligemment les intonations de voix, il fait la démonstration de la folie de Stéphane Moitoiret. "Fallait-il accepter de rationaliser l’irrationalisable ?" demande-t-il aux jurés.

"Me Collard, vous avez parlé de l’infinie souffrance, nous sommes dans l’infinie folie. Pour la dernière fois de ma carrière, je vais faire barrage entre la folie de celui-ci, dit-il en désignant Moitoiret, et la justice des hommes."

L’hôpital psychiatrique à vie pour Moitoiret

Il plonge de nouveau la cour dans le monde tordu et délirant du couple. "Il délire avant de rencontrer Noëlla, au moment de la mort de son père, affirme l’avocat, minutieux, citant à chaque fois une cote du dossier ou un témoignage de l’audience.

Il tance volontiers l’avocat général et son réquisitoire d’hier : "Pensez-vous vraiment que des magistrats ou des médecins vont remettre en liberté un gusse qui se dit roi d’Australie et qui a tué un enfant de 44 coups de couteau ?" L'avocat général reste immobile, presque blême.

"Ce que nous proposons à Moitoiret est sans doute plus difficile que ce que vous (en regardant l’avocat général) lui proposez. On se sort de prison, dit-il, avec cette voix si nette, avec théâtralité, presque shakespearien, mais, pour les cas les plus graves, on ne sort pas d’une unité pour malades difficiles, sauf pour y être enterré", achève-t-il, gravement.

Sur les faits, il démontre point par point l’absurdité du chef d’assassinat et l’intention de tuer de Moitoiret. "On est contraint de chercher un mobile fou dans leur folie", assène-t-il.

Il termine sur l’avis divergent des experts. Et se pose la question fondamentale, tirée d’une simple constatation : "Pourquoi ne prononce-t-on plus d’abolition ?" Selon Me Delarue, 500 cas d’abolition du discernement ont été prononcés par les experts en 1992. Dix ans plus tard, 180. Le monde est-il devenu soudain moins fou ? Sans doute pas.

La plaidoirie passionnée de Berton

Le président Taillebot, sèchement, donne la parole au second avocat de Stéphane Moitoiret, Me Berton, celui qui a défendu, notamment, Florence Cassez. Le style est plus rageur, l’homme est plus jeune, au visage buriné.

"Vous êtes les otages, lance-t-il aux jurés, d’une vengeance judiciaire où un jour, un ministre et un garde des Sceaux disent : même fou, il sera jugé et condamné." À l’époque, Rachida Dati et Michèle Alliot-Marie s’étaient déplacées et la ministre de la Justice avait eu effectivement ces propos-là. Le ton est donné, le procès ne se tient que par une volonté politique de satisfaire l'opinion publique.

L’avocat s’adresse plus volontiers au président du tribunal, qui affiche depuis le début un visage très fermé. Comme son confrère, il termine sur la dimension historique et judiciaire de ce procès : "Lyon, la cour des aliénés ?" Car, dans le droit français, il était écrit que l’on ne juge pas les psychotiques dont le discernement est aboli au moment des faits. Il s’agit de l’article 122-1 du code pénal. "Je vous en conjure, termine Me Berton, ne cédez pas à la sirène de la vengeance judiciaire.

Les derniers mots des accusés

Valentin ()

©dessin Christophe Busti

À 14 heures, l'audience s'achève sur les derniers mots des accusés. Noëlla Hégo se lève la première : "Je suis d'accord avec ce qu'a dit Me Naserzadeh, hier soir." La voix est hésitante. "Je suis désolée, continue-t-elle. J'essaye de comprendre la souffrance de Valentin, de sa maman, de sa famille dans cette folie."

À son tour, Stéphane Moitoiret se lève. "Pour moi, ce procès n'est pas équitable. Je n'ai pas été défendu par des bons avocats. On doit rester professionnel dans son travail, ils n'ont qu'à aller en face, ajoute-t-il, en désignant les bancs de la partie civile. Je suis désolé dans cette histoire. Quand quelqu'un doit mourir, on ne peut rien y faire." Ce sont les paroles glaçantes d'un homme, psychotique, incapable de comprendre la raison de ce procès.

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