Michel Neyret
Michel Neyret © JP.Ksiazek/AFP

Michel Neyret, un témoignage tranquille aux assises

C’était l’événement du procès du braquage de Global Cash qui se déroule depuis lundi devant la cour d’assises du Rhône : la venue, en tant que témoin de Michel Neyret, ancien directeur adjoint de la police judiciaire de Lyon.

Michel Neyret (à gauche) à Lyon avec l’ancien officier de la SRPJ Bernard Trenque, le 19 september 2014, après son audition dans le procès Global Cash © AFP Photo/Jean-Philippe Ksiazek

Michel Neyret © JP.Ksiazek/AFP

Pour la première fois depuis le début du procès, les bancs du public étaient combles. Une séance de justice spectacle, mâtinée d’un soupçon de "people" était offerte, vendredi 19 septembre, au palais de justice des 24 colonnes de Lyon.

C’est David Metaxas qui est à l’origine de cet épisode. L’avocat lyonnais a demandé à faire citer l’ancien divisionnaire alors que leurs contrôles judiciaires respectifs leur interdisent de se rencontrer. C’est unique dans les annales judiciaires. Tous deux sont en effet mis en examen dans l’affaire instruite par deux juges parisiens, Hervé Robert et Patrick Gachon, à l’origine de la chute de l’ex-super flic.

Pour Michel Neyret, cette convocation, "c’est du cinéma, du spectacle. [Metaxas] veut faire le buzz !" comme il l’a confié au journal Lyon People . Mais, si l’ancien divisionnaire a concouru au "buzz" de Me Metaxas pendant près d'une heure, ce fut cependant à la défaveur des avocats de la défense.

“La rue de la République a été prise en otage”

Car Michel Neyret connaît parfaitement l’exercice des assises. De plus, il a pour lui le sens de la formule apte à marquer l’esprit des jurés : "Ils n’ont pas pris qu’un seul otage, mais ils ont pris la rue de la République en otage. Il y avait 300 personnes dans la rue à ce moment-là", a répondu M. Neyret à une question de Me Julien Charles sur les raisons de la non-intervention de la police, qui filochait pourtant les malfaiteurs depuis plusieurs jours.

"La sécurité publique, informée d’un braquage en cours, a indiqué sur les ondes qu’il ne fallait pas intervenir. Le Global Cash est à quelques mètres de l’hôtel de ville, où il y avait, à ce moment-là, un déplacement ministériel avec le dispositif policier que cela implique, et à 300 mètres du commissariat du 1er arrondissement. Ils ont agi en provoquant la police dans un sentiment de toute-puissance. Cette prise en otage de la rue de la République mettait en échec toute intervention policière",a poursuivi Michel Neyret.

Me Metaxas a voulu faire le “buzz, il lui incombait alors la tâche de faire le show

LYON (France) - David Metaxas, avocat de Idress Mekhileff lors du procès du braquage de Global Cash à la cour d'assises du Rhône. Mardi 15 septembre 2014.

Tim Douet

Mais c’est David Metaxas, en bon maître de cérémonie, qui a ouvert le bal des questions. Le président de la cour d’assises et les avocats généraux ont en effet jugé qu’il était assez vain d’interroger Michel Neyret. Un geste qui exprimait l’inutilité, à leurs yeux, de la convocation de l’ex-super flic.

Pas moins de quatre policiers de la PJ se sont en effet succédé à la barre depuis le premier jour des débats, avec peu ou prou les mêmes questions resservies à chacun d’entre eux. Mais, après tout, Me Metaxas a voulu faire le "buzz", il lui incombait alors la tâche de faire le show.

Me Metaxas s’interroge sur les raisons de l’intensification du dispositif policier le 24 septembre 2010, le jour du vol à main armée où, fait rare, tous les hommes de la BRI (brigade de recherches et d’intervention) sont sur les dents.

Pour la défense, c’est l’indice que la PJ savait qu’il allait se commettre un crime ce jour-là. "La veille du braquage, les malfaiteurs ont posé un véhicule sur la voie publique", a commencé Michel Neyret. "On a alors plusieurs hypothèses, notamment la possibilité que cette voiture puisse servir de voiture-relais pour commettre un fait criminel. Il est donc logique que le lendemain et le surlendemain nous mettions en place une équipe renforcée. C’est une évidence policière incontestable",assène l’ancien divisionnaire.

En quelques mots, Michel Neyret vient de balayer ce qui avait été acquis par la défense au premier jour du procès. Me Alexandre Plantevin avait fait remarquer au commandant Maisonnette que, sur près de 24 jours de surveillance, le dispositif policier était le plus fourni uniquement le jour du braquage. Comment croire la version policière d’une ignorance de ce qui allait se passer ce jour-là ? Le commandant Maisonnette s’était contenté d’une explication trop courte. La défense avait alors fait mouche (lire ici). Michel Neyret a fini de fournir les arguments aux jurés.

Neutraliser pour une longue période

Sur la culture du "flag", qui est au cœur des débats et dans l’ADN de l’antigang, Michel Neyret a expliqué sa méthode : "Il s’agit de constater des faits pour avoir un fait criminel précis avec des preuves irréfutables à fournir à l’autorité judiciaire. Si on les avait arrêtés avant le braquage, on aurait eu des individus qui nous auraient expliqué être dans une voiture dont ils ignoraient qu’elle était volée. Le conducteur, lui, nous aurait raconté avoir trouvé cette voiture sur un parking avec les clés dessus. Quant aux armes... ils auraient expliqué ignorer qu’il y avait des armes dans le coffre." Avec le flagrant délit, on "neutralise pour une longue période des personnes qui ont fait un choix de vie qui est celui de la criminalité organisée".

"Et les victimes qui sont faites lors de ces flagrants délits ?" rappelle opportunément Me Charles. "Si on enlève socialement des gens qui ont fait du banditisme leur profession, on sauve aussi beaucoup de victimes potentielles dans le futur",a répondu Michel Neyret.

Neyret sur place avant la police

Mais il y a un détail sur lequel Michel Neyret aurait pu être "accroché". David Metaxas questionne l’ancien commissaire sur sa présence sur les lieux du braquage avant l’arrivée de la police. C’est lui qu’une des employées de Global Cash a vu en premier après le vol. "Que faisiez-vous là, monsieur Neyret ?" questionne, sûr de son effet, Me Metaxas.

"Je me suis rapproché de l’hôtel de ville et des Terreaux car, lorsque les braqueurs ont remonté la rue de la République à partir des Cordeliers, des personnes ont appelé le 17 pour dire qu’un braquage était en cours dans ce secteur. Police Secours nous a répercuté cette information",a expliqué Michel Neyret, qui était donc sur zone avant tout le monde. Le braquage ne dure pourtant que quelques minutes. Peut-être était-ce là la faille de Neyret. Un possible embarras. Mais personne ne l’a questionné sur sa capacité de vitesse supersonique.

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