contrairement aux séries policières, les affaires non-élucidées sont plus fréquentes qu'on ne l'imagine. Enquête.
L'histoire est digne d'un thriller bien saignant. Dimanche 16 septembre, un tronc humain, démembré et sans tête, est découvert flottant dans l'Arve, une rivière de Haute-Savoie. Trois jours plus tard, un peu plus en aval, des promeneurs tombent nez à nez sur un bras qui, après analyse, s'avère appartenir au cadavre. Une autopsie permet d'identifier la victime : il s'agit d'un normand de 25 ans, apparemment sans histoires, qui résidait à Annemasse depuis juillet dernier et travaillait comme carreleur en Suisse. L'enquête, hors du commun*, a été confiée à la direction interrégionale de police judiciaire de Lyon.
Des morts inexpliquées, Lyon en a son lot.
Il y a bien évidemment les crimes. Depuis sa promotion au poste de directeur adjoint de la P.J. en début d'année, Michel Neyret explique avoir connu seulement trois affaires de ce type : un homme d'une trentaine d'années retrouvé dans le Rhône à Pâques, enveloppé dans des sacs plastiques, une balle dans la nuque; une femme poignardée, gisant vers l'Hôtel-Dieu et un autre jeune homme mort sur les berges, à la sortie d'une boîte de nuit. "La police judiciaire n'est saisie que pour des cadavres dont le décès est suspect, criminel, ou complexe, explique à Lyon Capitale Michel Neyret. Et encore, si c'est une zone où la police est compétente, et non pas la gendarmerie..." Ainsi, et aussi étonnant que cela puisse paraître, le nème2 de la P.J. lyonnaise a appris par voie de presse le récent assassinat, toujours non élucidé, de Vourles...
À côté des morts d'origine criminelle, les accidents et les suicides doivent, de l'avis des médecins légistes, être considérés comme des morts inexpliquées.
800 cadavres et des "circonstances troublantes"
Bon an mal an, l'Institut médico-légal (IML) de Lyon voit passer sur le billard 800 cadavres. C'est en effet au 12, avenue Rockfeller, dans le 8e, que sont réalisées toutes les autopsies judiciaires lyonnaises, de l'agglomération et parfois de plus loin. "Par mort inexpliquée, nous entendons des morts dont on ne connaît pas la cause et des morts pour lesquelles nous sommes amenés à nous poser des questions, dont les circonstances sont troublantes" résume le Professeur Daniel Malicier, directeur de l'IML. Sauf que les autopsies ne peuvent être ordonnées que par le procureur de la République. "Le nombre insuffisant d'autopsies fait qu'un meurtre sur deux, aujourd'hui en France, passe inaperçu. Or, l'autopsie, c'est la vérité."
Dans l'affaire des deux adolescents décédés dans un accident de voiture à Saint-Fons, en février dernier, après ce qui semblerait apparaître comme une course-poursuite avec la Bac, une autopsie vient juste de révéler, contrairement à ce que les policiers affirmaient, que le conducteur de la Ford fiesta break n'avait ni bu, ni fumé de haschich (lire page 7). "L'autopsie, c'est aussi un pilier de la défense des droits de l'homme" renchérit Daniel Malicier.
Les scénarios des pires séries américaines
Certains corps sont donc conservés à la morgue de l'IML, dépendante de l'Université Lyon 1, en attendant de résoudre le mystère qui les entoure. C'est la cas de cet homme d'un soixantaine d'années, découver dans le Rhône a Pierre-Bénite dimanche 23 septembre. Ou encore de cette femme d'une quarantaine d'années retrouvée noyée à hauteur du pont Morand à Lyon, fin août.
"Ici, on a une obligation de résultat" explique le docteur Tabib, anatomo-pathologiste à l'IML. "On ne peut pas envoyer en cour d'assises quelqu'un d'innocent, et inversement" poursuit le docteur Fanton.
Alors, y a-t-il une recrudescence des morts inexpliquées à Lyon ? Difficile à chiffrer, d'autant que la sécurité publique du Rhône qui traite la majorité des morts de l'agglomération, "n'a pas donné une suite favorable aux affaires de décès non encore élucidées", s'agissant, pour la plupart, d'enquêtes qui sont toujours en cours.
Ce qui est sûr, c'est qu'aujourd'hui, les scénarios des pires séries policières américaines ne sont pas simplement de la fiction. L'affaire de Haute-Savoie en est l'illustration parfaite.
* Il y a quelques années, à Seyssel, une affaire identique avait défrayé la chronique. Les enquêteurs n'ont jamais résolu l'énigme. Lapiste d'une secte suisse a été évoquée.
France : autopsie mode d'emploi
Lors d'un décès, le médecin doit cocher une case appelée "obstacle médico-légal" dans tous les cas de mort non naturelle évidente ou suspecte, subite et/ou violente où la responsabilité d'un tiers pénalement responsable peut être engagée.
En fonction des données de l'enquête, le Procureur de la République décidera ou non d'une autopsie. En France, chaque année,
6 000 autopsies médico-légales sont ordonnées par le Parquet, contre 20 000 à New-York et 30 000 à Moscou. Ce qui fait dire au Professeur Daniel Malicier, directeur de l'Institut médico-légal de Lyon que "la France est le parent pauvre de la médecine légale en Occident", malgré le fait que la médecine légale ait été lancée à Lyon (Lacassagne, Locard, Bertillon).
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