Municipales : des victoires litigieuses face à la justice

15 litiges électoraux étaient jugés ce mardi 10 juin au tribunal administratif. Mais les demandes de nombreux plaignants, candidats malheureux des dernières municipales, n’aboutiront probablement pas. Il faut souvent une combinaison d’éléments litigieux pour que le rapporteur public se prononce en faveur des demandeurs.

Les audiences de 15 litiges électoraux ont eu lieu ce mardi 10 juin au tribunal administratif. Autant d'histoires de perdants des élections municipales s'estimant lésés par les pratiques déloyales de leurs adversaires. Pourtant, dans les faits, le rapporteur public (magistrat chargé de rapporter les faits devant le tribunal et d'en tirer des conclusions) préconise souvent le rejet de la demande. Bien que la décision finale n'appartienne qu'au juge, il faut une combinaison d’éléments pour que la plainte aboutisse sur une condamnation, voire sur une annulation des élections.

Distribution tardive

L'article L.49 du Code électoral définit le moment auquel la campagne prend fin : "à partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents." Dans la majorité des litiges jugés ce mardi, les plaignants dénoncent la diffusion d'un tract juste avant la veille du scrutin. Selon la jurisprudence, pour que la demande soit recevable, ces tracts tardifs doivent aussi être distribués massivement, être mensongers et aborder de nouveaux thèmes de campagne sans que les concurrents puissent avoir le temps d'y répondre…

Diffusion massive de documents

La jurisprudence indique que la distribution de tracts la veille du scrutin doit être massive pour être litigieuse. Notion qui dépend de la taille de la commune et de la manière de diffuser le document. Villette-sur-Ain (01) est une commune de près de 680 habitants. Le 22 mars, les membres de la liste "Ensemble pour Villette" ont accusé le maire sortant, Jean-Pierre Humbert (DVG), d'avoir laissé des tracts sur une table communale à disposition du public. Le rapporteur public n'a pas retenu le caractère "massif" de la diffusion, préconisant un rejet de la demande des plaignants.

Diffamation et mensonge

"Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation." L'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse définit comme un délit le fait d'attenter à l'honneur d'un candidat ou de porter de fausses allégations contre lui ou son programme. Mais ce qui semble insultant pour des colistiers déçus peut paraître anodin aux yeux de la justice. À Veauchette, dans la Loire, les partisans de Pierre Just (DVG), maire de 2001 à 2008, ont dénoncé un tract posté le 21 mars. Le document, signé de la liste de Jean-Pierre Tissot, maire sortant (SE), stipule que "le calme est revenu dans le village après des années de querelles de personnes", référence à peine voilée à la mandature de M. Just. Des propos "trompeurs", selon lui, mais pas suffisamment pour constituer un délit aux yeux du rapporteur public.

Aborder de nouveaux thèmes au débat

Selon l'article L.48-2 du Code électoral, "il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'aient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale". En d'autres termes, un candidat doit avoir le temps de répondre aux propositions de son concurrent. La commune rhodanienne de Sainte-Colombe a vu le maire sortant, André Masse (DVD), réélu contre Vincent Chapuis (DV). Dans l'après-midi du vendredi avant les élections, soit avant la tombée de l'interdiction de diffusion de documents, un tract est distribué par les partisans de M. Masse. Cette diffusion est litigieuse de par son aspect tardif, mais le rapporteur public n'a pas retenu le fait qu'il traite de thèmes nouveaux. Selon le magistrat, le papier de M. Masse ne faisait que répondre à des questions soulevées précédemment par M. Chapuis dans un de ses propres tracts.

Influence sur les résultats

Il peut arriver que les éléments réunis tendent vers l'illégalité des manœuvres de la liste victorieuse. Mais il s'agit aussi de considérer si les agissements ont bien eu une incidence sur l'issue du scrutin. Saint-Georges-de-Reneins est une commune du Rhône. Fin mars, Patrick Baghdassarian (DVD), maire sortant, y a été battu par Sylvie Epinat (DVD). Deux jours avant l'interdiction de diffusion, un tract issu des lignes de Mme Epinat est distribué, soulevant de nombreux nouveaux thèmes de campagne. Le rapporteur public remarque que M. Baghdassarian n'a toutefois pas eu le temps de répliquer et est donc dans son bon droit d'attaquer en justice sa concurrente. Le magistrat affirme aussi les caractères tardif et massif de la distribution. Mais, plutôt que d'appeler à l'annulation du scrutin, l'homme de loi conclut au rejet de la demande. Motif : la différence entre les deux listes est trop forte, 116 bulletins pour 1 960 voix exprimées. Le tract n'aurait donc pas eu d'influence sur les résultats.

Toutes les décisions ont été mises en délibéré. Le tribunal peut réserver quelques surprises en se désolidarisant des recommandations du rapporteur public. Les annulations de vote restent possibles, comme à Dannemarie le 10 juin. Dans cette commune alsacienne de 2 300 habitants, un tract posté sur Facebook la veille du scrutin va entraîner un nouveau vote. Le 23 mars, 17 bulletins avaient départagé les deux candidats.

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