Après un délibéré qui a duré plus de sept heures, la cour d'assises d'appel du Rhône a acquitté, ce jeudi 7 mai, trois jeunes hommes accusés d'avoir braqué une banque au Péage-de-Roussillon (Isère). Depuis des années, les accusés clamaient leur innocence en dénonçant une instruction entachée de graves anomalies et de manipulation. Les jurés ont donné droit à leur protestation.
Accusés d'avoir braqués le crédit lyonnais du Péage-de-Roussillon (Isère) le 23 avril 2009, trois jeunes hommes viennent de se voir innocenter par la cour d'assises d'appel du Rhône. Comme en première instance lors d'un premier jugement en octobre 2013 devant la cour d'assises du Rhône (lire ici: Cour d’assises : une farce judiciaire et trois acquittements)
L'enquête conduite par la Juridiction Interrégionale Spécialisée (JIRS) de Lyon en charge des dossiers de la grande criminalité présentait trop de lacunes et d'erreurs pour décider de la condamnation à la réclusion criminelle de ces trois jeunes hommes.
Pire, ce dossier, qui est passé deux fois aux assises, comporte d'inquiétantes irrégularités susceptibles de faire droit à l'hypothèse d'une manipulation dénoncée depuis le premier jour par les mis en cause.
Inventaire d'irrégularités
L'alibi d'un accusé consigné dans un agenda qui s'évapore dans la nature. 180 cotes du dossier sans cesse réclamées par les accusés qui n'en ont pas vu la couleur. Des PV corrigés au Tipp-Ex. Des pièces anti-datées. Des expertises génétiques ou des pièces à conviction entachées d'erreurs. Des pièces de procédure corrigées à la main. Une gendarme accusée d'avoir opérée une perquisition illégale par un témoin qui vient l'affirmer sous serment à la barre de la cour d'assises. Témoin qui affirme dans le même temps avoir connu des pressions de la part d'un des accusés "pour que je dise la vérité" déclara-t-il. La même scène - à l'identique - avait eu lieu lors du premier procès en octobre 2013.
L'inventaire pourrait se poursuivre encore et encore tant la procédure de cette affaire est bancale.
Les deux avocats de la défense, Me Julien Bensoussan du barreau de Lille et Me Nicolas Brazy du barreau de Reims, ont pilonné avec talent une à une les pièces de la procédure. Dans une démonstration typique des assises, Me Bensoussan a démontré que le contenu d'une poubelle dans laquelle a été retrouvé l'ADN de deux des accusés a pu être reconstitué.
La poubelle, pièce à conviction
Le dossier disait que leur ADN se serait trouvé sur des gravats dans des papiers-essuie main jetés dans la poubelle de la banque. Le papier-essuie main était délicatement posé sur un tas d'ordures avec les poussières parfaitement disposés sur le dessus, "avec une certaine délicatesse". Oui, mais voilà. Si on fait le simple geste de jeter un papier dans la poubelle, cette position est physiquement impossible. Devant, les jurés, Me Bensoussan s'est livré à cette petite démonstration. Le papier se froisserait nécessairement, éparpillant les poussières. Il a fait mouche.
L'un des accusés crie au complot, à la machination judiciaire depuis le début de l'enquête. "On ne peut bien juger que si on entend ce qu'il dit" a plaidé Me Bensoussan. L'assertion devient d'autant plus convaincante lorsque les constations criminelles de la poubelle, devenue pièce à conviction, se trouvent amputées de plusieurs photographies. Pourquoi? Simple erreur? La répétition des anomalies de ce dossier légitime la montée d'un soupçon sur cette procédure.
La peur
"Mais, les accusés n'ont jamais déposé de plainte" argue-t-on du côté du ministère public. "Essayez, vous, de trouver un avocat à Lyon qui accepte de déposer plainte contre un juge ou un service d'enquête. Ben, dans les couloirs du palais, on va le regarder bizarrement hein. Y a pas de plainte parce que l'accusé n'y croirait en vérité pas? Ben non, c'est juste que parfois, c'est pas facile d'aller au bout" a argumenté Me Bensoussan devant les jurés.
Dans une dernière croisade, l'avocat général a demandé aux jurés de se souvenir des attentats de janvier dernier "où des individus se sont radicalisés lors de leur détention et se sont retrouvés dehors à être des prédateurs. Les loups sont entrés dans Paris". (Lire ici: Aux assises, le ministère public joue sur les peurs).
Me Nicolas Brazy s'est scandalisé de l'allusion aux frères Kouachi destinée, selon lui, à faire peur aux membres de la cour. Au vu du verdict, la justice n'a finalement pas eu peur.
Preuve que les jurés populaires peuvent rendre une vraie justice. Les policiers et magistrats dans cette affaire devraient rendre des comptes, il n'est pas acceptable qu'ils puissent continuer ainsi.