Au deuxième jour du procès, les parents de Gabriel Iacono étaient appelés à témoigner. Ils avaient été parties civiles lors des deux premiers procès de Christian Iacono, accusé du viol de son petit-fils. Si la mère est apparue plutôt fragile, le père, Philippe Iacono, s’est exprimé d’une manière méthodique, avec un calme apparent.
Philippe Iacono, 52 ans, mince, pas très grand comme tous les Iacono, paraît plutôt serein face à la cour d’assises du Rhône. Son témoignage était attendu. Depuis le début du procès, la question de la relation conflictuelle entre lui et son père Christian est devenue centrale dans les débats. Et puis, il reste persuadé que son fils a été victime d’abus sexuels.
L’appel de Gabriel le jour de la Fête des pères
"Le fait le plus marquant, pour moi, est ce coup de fil, le jour de la Fête des pères, en juin 2000", commence-t-il. Ce jour-là, son fils, 9 ans, cherche à le joindre. "Je croyais, naïvement, que c’était pour souhaiter ma fête." Non. Ce jour-là, "il m’a tout déballé". Pendant près d’une demi-heure, Philippe Iacono a écouté son fils lui expliquer que "papi avait pris son zizi comme une sucette. Il a vu la goutte de sang, il avait peur qu’elle tache son chausson". Ce détail le saisit. Cet appel le conduira, le lendemain, à appeler le 119, qui lui conseille de conduire son fils à l’hôpital américain de Reims abritant une unité spécialisée pour enfants.
Méthodiquement, presque scientifiquement, Philippe Iacono, médecin à Reims, relate son cheminement intellectuel pour comprendre les accusations que porte son fils. Et se dire, finalement, que sa parole est vraie : il y a la goutte de sang, il y a eu la volonté de Gabriel de vouloir protéger son cousin…
Puis, inévitablement, on lui parle de son propre père. "C’est quelqu’un de dominateur", répond Philippe Iacono. Depuis 1996, il n’a plus aucun contact avec lui. "Je n’en souffre pas", reconnaît-il. La procédure judiciaire pour obtenir un droit de visite ? "J’ai vécu cela comme une déclaration de guerre." Et sa critique envers l’éducation de Gabriel ? "On est toujours un peu plus sévère avec son premier enfant, mais, avec mon épouse, on trouvait [mon père] intrusif."
La culpabilité de Gabriel
“Que pensez-vous de la rétractation de votre fils ? lui demande le président Bréjoux.
– Déjà, en avril 2011, il y a eu un signe. Gabriel m’a appelé. Dans la conversation, j’ai senti beaucoup de culpabilité, il avait appris que l’on brimait son papi en prison. “Il ne faudrait pas que je me sois trompé, me disait-il, cela existe les faux souvenirs”…", raconte Philippe Iacono, toujours calme. La culpabilité de voir son grand-père en prison, le besoin d’argent pourraient expliquer, selon lui, cette rétractation de son fils, à laquelle "il n’adhère pas".
Interrogé sur le passage à l’acte présumé de son père sur son propre fils, Philippe Iacono réfute l’idée de pédophilie. "Non, je l’explique comme une prise, un vol par rapport à moi", avance-t-il. Persuadé que son fils a bien été victime d’abus sexuels, il admet pourtant qu’il peut s’agir d’une tierce personne. "C’est une piste qui permettrait de sortir de l'impasse dans laquelle cette famille est depuis quinze ans", dit-il. Vraiment ? La scène surréaliste en fin de témoignage où Christian Iacono tente d’établir un dialogue impossible avec son fils ne le démontre pas. L’un a-t-il cessé d’être le père de l’autre ? En tout cas, l'autre a cessé d'être le fils de l'un.