Pompiers : en procès quatre ans après les faits

Il y a plus de quatre ans, un équipage de pompiers se faisait sauvagement agresser par une vingtaine de personnes. Seuls trois protagonistes ont pu être identifiés. Hier, lundi 29 janvier se tenait enfin le procès de cette agression. Le prévenu, connu de la justice pour des faits similaires, a écopé de deux ans d’obligation pénale.

Place de l’auditorium, le 19 août 2013. Un équipage du SDMIS est appelé pour venir en aide à un jeune, blessé lors d’une bagarre ou d’une chute. Les trois pompiers se rendent sur les lieux, mais très vite, ressentent une atmosphère "qui chauffe." Les pompiers décident de se retirer en laissant malgré tout le matériel nécessaire pour soigner la victime, des compresses et du désinfectant. En quelques minutes, le groupe d’une vingtaine de personnes encercle les pompiers. Ils sont insultés, menacés, et prennent de violents coups. L’un d’eux aura une ITT de 15 jours pour des coups au genou et au tibia. Sur l’ensemble du groupe, seuls trois individus ont été identifiés. Lundi 29, au TGI de Lyon, c’était un des agresseurs qui passaient devant le tribunal, poursuivi pour outrages, menaces et violences envers un dépositaire de l’autorité publique sans ITT. Son casier judiciaire relevait des faits de violence contre des policiers. Alcoolisé lors des faits, le prévenu de 30 ans dit ne plus se souvenir. Il est confus, s’excuse à la demande de la présidente, et finit par admettre avoir donné un coup de poing à l’un des pompiers. Le procureur requérait 8 mois de prison, dont la moitié avec sursis et obligation de soins. Le soir, le tribunal rendait sa décision, deux ans d’obligation pénale. En cas de non-respect de ses obligations (dédommagements, trouver une formation et soins), il peut encourir une peine de prison ferme pouvant aller jusqu’à la moitié de son obligation pénale.

Un problème plus profond

"Ce n’est malheureusement pas rare qu’on se retrouve au tribunal pour ce genre d’incident", déplore un pompier à la sortie de l’audience. Ces derniers mois, le SDMIS descendait à deux reprises dans les rues pour faire part de ce problème qui le touche régulièrement depuis "une dizaine d’années." Insultes, menaces, caillassage ou embuscades font partie du quotidien des pompiers du Rhône et de la Métropole. "Il y a toujours eu des insultes envers les pompiers, mais maintenant les actes sont plus graves. C’est une escalade de la violence que l’on voit tous les jours sur le terrain. Envers nous, mais aussi envers les victimes. On peut se prendre un coup de couteau juste parce qu’on a refusé de donner son téléphone", explique un pompier. Quant à l’origine du problème, elle demeure floue. Certains évoquent une haine de l’uniforme, de la représentation de l’État, d’autres estiment qu’il s’agit d’un acte pour se faire une place dans une organisation. "Une chose est sûre, c’est qu’on a changé notre manière de travailler", affirme un autre pompier à la sortie de l’audience.

"Aujourd’hui, j’essaie de faire mon travail sans me prendre de coups"

Certains l’avouent, ils ne sont plus aussi sereins lorsqu’ils partent en intervention. "J’appréhende parfois, quand on intervient dans des lieux restreints, je peux penser au pire. Aujourd’hui, j’essaie de faire mon travail sans me prendre de coups, je m’adapte." Lors du procès, la victime explique comment sa vie a changé, ainsi que la manière de réagir pendant les interventions. Un autre pompier complète : "Désormais, on pense d’abord à la sécurité de l’équipage avant toute chose. Sur certaines interventions, on doit même retrouver la police avant de se rendre sur les lieux. C’est triste, parce que ces minutes que l’on perd pour notre sécurité, elles peuvent être cruciales pour la victime." Le colonel Serge Delaigue, directeur départemental des services d’incendie et de secours remercie par ailleurs les services de police et de gendarmerie pour "leur travail à nos côtés, pour nous protéger."

"Des mesures doivent être prises"

Si la sanction décidée par le tribunal est "décevante et affligeante" pour les syndicats, cette affaire permet de réclamer, à nouveau, des mesures pour pallier les agressions. "Dans ce cas-là, si on avait eu les caméras embarquées, on aurait pu identifier les agresseurs, ils auraient été plus nombreux au procès. On va aussi demander des juridictions spécifiques, qui soient plus rapides, et plus efficaces". Pour eux, la peine n'est pas assez dissuasive. Tous les sapeurs-pompiers ont souligné le soutien de leur hiérarchie. "On ne peut pas dissocier la mission et la sécurité des sapeurs-pompiers. C’est une violence qui peut survenir à n’importe quel moment. Et ce n’est pas un problème de matériel, mais de prévention. C’est pour ça que lors d’interventions estimées délicates, nous doublons les équipes, avec une personne chargée de la surveillance de l’environnement", affirme le Colonel Delaigue.

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